Hommage à Madeleine et Minette !
Posté: Mercredi 16 Septembre 2015 10:38Madeleine et Minette !
Madeleine a fermé le café/épicerie du hameau en 1981.
Moi, je ne l'ai connue que dans les années 2004 quand ce fut à mon tour de cesser mon activité dite professionnelle. Alors, pendant une dizaine d'années, des petits rituels de voisinage se sont installés entre nous. Je passais pour la saluer et restais écouter l'histoire du pays dans un rayon de 2 km.
La petite chatte « Minette » d'abord par curiosité à mon endroit puis pour quelques ronrons sur les genoux de sa maîtresse venait se joindre à nos bavardages.
C'était une petite chatte blanche et rousse, ni belle ni laide, timide et peu aventureuse.
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La grande maison ancienne devenue silencieuse suffisait à presque couvrir tout son territoire. Sa plus grande témérité était de rejoindre sa Madeleine, lorsque profitant d'un rayon de soleil elle s'installait sur le banc du poulailler. Hormis les deux poules caquetantes, tous les autres animaux de la création ne lui inspiraient pas confiance et a priori encore moins les humains à deux pattes. Je me suis toujours demandée où était passé son instinct de félin et si ce caractère si farouche était de l'inné ou bien un manque d'éducation de sa maman chatte. Au fil des années Minette vieillissait en parfaite osmose avec Madeleine. Le temps s'écoulait de plus en plus lentement au rythme des routines quotidiennes ajustées aux saisons.
Le banc du poulailler laissait place au fauteuil près de la cuisinière, le divan se rapprochait de la fenêtre, regard sur les passants ou lumière tamisée par les persiennes.
Minette suivait le mouvement des allées et venues dans l'embrasure de la fenêtre ou sur les genoux de sa maîtresse puis sur la table au moment des repas. Elle y avait son verre, verre d'eau du puits, car la demoiselle ne buvait que de la sorte. Je sais aussi qu'elle y partageait le repas de Madeleine, façon de s'entraider à ne pas perdre l'appétit. Le soir, l’édredon à l'étamine rouge du lit était pour elles deux. Dans nos conversations revenait la crainte de l'avenir. Il y avait bien sûr le tourment de sentir venir la fin de sa vie, aussi l'hypothèse angoissante d'un séjour en maison de retraite et par-dessus tout la crainte d'abandonner Minette. Madeleine avait comme l'on dit « du caractère », son âge n'avait pas émoussé sa nature et je ne l'ai vue pleurer que pour le sort incertain de sa chatte.
L'inéluctable séjour à l’hôpital puis en maison de retraite arriva. Comme promis à ma chère voisine nous devions recueillir Minette. Mais comment faire ? Les chats de la maison n'avaient, eux, rien promis et la malheureuse petite bête restait sur son territoire en attendant que le volet s'ouvre. Tous nos stratagèmes, toutes nos manœuvres, on dirait maintenant « d'intégration » ont échoué.
L'hiver arrivait, qu'il vente, qu'il pleuve, l’esseulée retournait à la porte toujours close de son chez-soi. Au plus fort de son incompréhension, elle se maintenait à mi-chemin des deux jardins et miaulait sa détresse.
Nos encouragements, caresses, nourritures rien ne la consolait et ne la déterminait à nous rejoindre.
Puis elle a disparu, morte de chagrin, nous en sommes persuadés.
Lors de mes visites dans la maison de retraite j'ai menti à Madeleine lorsqu'elle m'interrogeait, mais elle a lu autre chose dans mes yeux : a-t-on tout dit, Brigitte ? Oui, Madeleine, je crois…
Puis, peu de temps après, elle a rejoint sa Minette.
A Madeleine et Minette !
Brigitte Follys, Béceleuf en Poitou, septembre 2015
Source : Micetto
Madeleine a fermé le café/épicerie du hameau en 1981.
Moi, je ne l'ai connue que dans les années 2004 quand ce fut à mon tour de cesser mon activité dite professionnelle. Alors, pendant une dizaine d'années, des petits rituels de voisinage se sont installés entre nous. Je passais pour la saluer et restais écouter l'histoire du pays dans un rayon de 2 km.
La petite chatte « Minette » d'abord par curiosité à mon endroit puis pour quelques ronrons sur les genoux de sa maîtresse venait se joindre à nos bavardages.
C'était une petite chatte blanche et rousse, ni belle ni laide, timide et peu aventureuse.
La grande maison ancienne devenue silencieuse suffisait à presque couvrir tout son territoire. Sa plus grande témérité était de rejoindre sa Madeleine, lorsque profitant d'un rayon de soleil elle s'installait sur le banc du poulailler. Hormis les deux poules caquetantes, tous les autres animaux de la création ne lui inspiraient pas confiance et a priori encore moins les humains à deux pattes. Je me suis toujours demandée où était passé son instinct de félin et si ce caractère si farouche était de l'inné ou bien un manque d'éducation de sa maman chatte. Au fil des années Minette vieillissait en parfaite osmose avec Madeleine. Le temps s'écoulait de plus en plus lentement au rythme des routines quotidiennes ajustées aux saisons.
Le banc du poulailler laissait place au fauteuil près de la cuisinière, le divan se rapprochait de la fenêtre, regard sur les passants ou lumière tamisée par les persiennes.
Minette suivait le mouvement des allées et venues dans l'embrasure de la fenêtre ou sur les genoux de sa maîtresse puis sur la table au moment des repas. Elle y avait son verre, verre d'eau du puits, car la demoiselle ne buvait que de la sorte. Je sais aussi qu'elle y partageait le repas de Madeleine, façon de s'entraider à ne pas perdre l'appétit. Le soir, l’édredon à l'étamine rouge du lit était pour elles deux. Dans nos conversations revenait la crainte de l'avenir. Il y avait bien sûr le tourment de sentir venir la fin de sa vie, aussi l'hypothèse angoissante d'un séjour en maison de retraite et par-dessus tout la crainte d'abandonner Minette. Madeleine avait comme l'on dit « du caractère », son âge n'avait pas émoussé sa nature et je ne l'ai vue pleurer que pour le sort incertain de sa chatte.
L'inéluctable séjour à l’hôpital puis en maison de retraite arriva. Comme promis à ma chère voisine nous devions recueillir Minette. Mais comment faire ? Les chats de la maison n'avaient, eux, rien promis et la malheureuse petite bête restait sur son territoire en attendant que le volet s'ouvre. Tous nos stratagèmes, toutes nos manœuvres, on dirait maintenant « d'intégration » ont échoué.
L'hiver arrivait, qu'il vente, qu'il pleuve, l’esseulée retournait à la porte toujours close de son chez-soi. Au plus fort de son incompréhension, elle se maintenait à mi-chemin des deux jardins et miaulait sa détresse.
Nos encouragements, caresses, nourritures rien ne la consolait et ne la déterminait à nous rejoindre.
Puis elle a disparu, morte de chagrin, nous en sommes persuadés.
Lors de mes visites dans la maison de retraite j'ai menti à Madeleine lorsqu'elle m'interrogeait, mais elle a lu autre chose dans mes yeux : a-t-on tout dit, Brigitte ? Oui, Madeleine, je crois…
Puis, peu de temps après, elle a rejoint sa Minette.
A Madeleine et Minette !
Brigitte Follys, Béceleuf en Poitou, septembre 2015
Source : Micetto
