par Esperance » Dimanche 15 Janvier 2023 20:29
Je vais vous narrer l’histoire de Vodka, petite puce blanche et rousse, petite chatte tendre et espiègle, partie trop tôt à 10 ans, emmenée par cette saloperie qu’est l’infection rénale chronique.
Je m’étais dit que j’écrirais cet hommage plus tard, quand la douleur sera moins vive, mais je pense que c’est le bon moment aujourd’hui, 14 janvier ; même si ça me broie le cœur.
Parce qu’aujourd’hui est le jour où je me demande si j’ai pris la bonne décision. Si cette décision n’est pas plutôt liée à mon épuisement, à la difficulté de concilier son état et les horaires de travail, à la peur qu’elle meure alors que je ne suis pas à ses côtés.
Ma décision d’arrêter les soins trop rapprochés et d’avoir expliqué que je ne pouvais plus en engager de gros frais pour l’IRC a-t-elle joué un rôle dans le comportement des vétérinaires par la suite ? Je les ai sentis moins impliqués ensuite pour gérer le gonflement de la patte de Vodka. Mais l’infection à sa patte n’était pas l’IRC et j’étais prête à tout faire pour que cela s’arrange. Elle semblait remonter la pente.
Aujourd’hui c’est le jour où les questions se bousculent entre les larmes qui ne cessent que pour mieux recommencer à couler plus tard. Je me dis que ce texte m’aidera à faire la part des choses.
Et tandis que quelques heures plus tard je viens relire cette introduction après avoir pratiquement terminé cet hommage, je peux confirmer qu’écrire tout ça m’a permis de faire cette part des choses.
Je ne suis pas certaine que beaucoup auront le courage de tout lire, car c’est un texte très long. Mais l’écrire m’a fait du bien. Je devrais peut-être le tronçonner en plusieurs messages. Le dernier message contiendra un montage photos.
Mai 2012
Au printemps 2012, ma fille m’a téléphoné. « J’ai une portée de chatons sur mon lit. Je les garde en attendant qu’une association trouve une famille d’accueil. Tu veux venir les voir ? Ils sont trop mignons. » J’ai répondu que ce n'était pas une bonne idée, car j’allais repartir avec l’un d’eux à coup sûr. Mais évidemment, je n’ai pas résisté à la tentation et dans un sens c’est parce que ma décision était déjà prise.
Cela faisait plusieurs années que je n’avais plus de chats. Mes trois autres chats s’étaient fait percuter par des voitures. J’habitais en zone rurale à l’époque et l’idée de garder des chats à l’intérieur ne me serait jamais venue à l’idée. Un chat est fait pour vivre librement, me disais-je. J’ai perdu ainsi Batman, un chat noir qui avait un peu plus d’un an ; Meringue une jolie petite chatte angora aux poils couleur crème qui était très jeune également, et mon Titi de 14 ans. Un pépère tigré gris que j’avais vu naître. Après cela, je ne voulais plus de chat. Je ne voulais plus de cette peine quand ils partent ainsi.
Quand ma fille m’a appelée ce fameux jour de 2012, j’habitais en ville. Donc plus de risques d’accident sur la route, car il serait hors de question de laisser sortir une nouvelle boule de poils dans cet environnement.
Je suis donc allé voir la portée de chatons. Mon fils m’a dit sur le ton de la plaisanterie : « tu ne ramènes pas un chat, hein ! » La portée avait à peine deux mois. Elle venait d’un autre appartement de l’immeuble. Une vieille dame avait été hospitalisée en urgence et les pompiers avaient trouvé une cinquantaine de chats dans son logement. Quand je suis entrée dans la chambre, j'ai découvert cinq chatons jouant sur le couvre-pied, trois mâles et deux femelles. L’une des femelles était rousse avec une étoile blanche sur le ventre, et l’autre était blanche avec des taches rousses. J’ai adopté ces deux puces.
Nous sommes retournés chez moi avec ma fille et celle-ci a mis les chatonnes dans son sac à dos le temps de rentrer dans l’appartement, en gardant la fermeture un peu ouverte bien sûr. Mon fils en nous voyant arriver a dit : « Ah ! pas de chaton alors ? ». Et j’ai répondu : « Je n’ai pas un chaton… mais deux. » Et nous avons ouvert le sac en grand pour laisser ces petites demoiselles découvrir leur nouvel espace de vie.
C’était le début des moments de bonheur, des rires et des attendrissements. Des petites vies toutes neuves qui s’épanouissaient en marchant de manière pataude, qui peinaient à monter sur le canapé, et qui tentaient de se pelotonner contre mon chien pour profiter de sa chaleur. Au début, il essayait de les éviter, se demandant ce qu’étaient ces deux petits trucs poilus qui le suivaient avec insistance. Il n’a pas fallu deux jours pour que ces trois-là dorment les uns contre les autres comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
Mon fils a appelé la petite rouquine « Mousse » parce qu’elle avait la couleur de la bière. Pour rester dans le thème, j’ai nommé « Vodka » la petite blanche avec les taches rousses. Son pelage était si blanc et si pur. Nous disions souvent en plaisantant que nous avions baptisées les puces en buvant l’apéritif et que ça expliquait leurs noms.
Elles avaient chacune leurs habitudes. Mousse aimaient s’accrocher sur un des chaussons de mon fils pour être transportée comme sur un manège, et Vodka adorait les câlins à rebrousse-poil. Elle ressortait de ces séances avec son pelage ébouriffé. Elle a aimé ça presque jusqu’à la fin.
À l’époque, je traversais une période difficile et il était convenu avec l’association qui s’occupait de tous les chats de la vieille dame que ça serait eux qui prendraient en charge les stérilisations de Mousse et Vodka.
Novembre 2012
Quand ces demoiselles ont eu 8 mois, une personne de l’association les a emmenées dans une clinique située dans la ville où habitait ma fille. Je vais l’appeler la clinique Zéro. J’ai récupéré Mousse le lendemain, mais l’opération de Vodka avait été différée d’une journée, parce que les vétérinaires étaient débordés. Elle a donc passé deux nuits dans le chenil de la clinique Zéro.
Bon souvenir. À son retour, elle marchait bizarrement avec la collerette, en se dandinant, c’était drôle de la voir marcher ainsi. Elle s’est remise très vite et n’a pas essayé de toucher sa plaie quand nous avons ôté la collerette pour qu’elle soit mieux.
Mais ces deux nuits à la clinique Zéro avaient laissé des traces. Elle a été plus distante ensuite. Elle se méfiait beaucoup des gens qui venaient chez moi, sauf si c’était vraiment des habitués. À part ça, elle continuait ses espiègleries, à se mettre devant la télé quand elle avait décidé que c’était l’heure de manger, et à aimer les caresses à rebrousse-poil. Mais elle ne ronronnait presque plus et ne se couchait plus contre nous.
2014
Je déménage et je me retrouve pratiquement à côté de la clinique Zéro, où Mousse et Vodka avaient été stérilisées. Je me suis dit que ça ne pouvait pas être plus pratique en cas de problème. Comment aurais-je pu savoir que cette praticité allait avoir un impact sur la vie de Vodka. Si seulement j’avais su qu’un des vétérinaires n’avait pas une bonne renommée. J’ai appris beaucoup plus tard que plusieurs chiens et chats avaient péri à cause de lui.
2016
J’ai un problème de santé très handicapant. Une capsulite rétractile, chose que je ne souhaite à personne. Je ne peux pratiquement plus bouger pendant des mois et les nuits sont difficiles. Ce que les médecins appellent la période chaude est vraiment une épreuve. Les séances de kiné entretiennent la douleur, mais sont impératives pour que la mobilité de l’épaule ne soit pas réduite définitivement. Je passe la plupart du temps sur le canapé, ne pouvant faire que quelques activités avec une seule main. C’est à partir de cette période que Vodka, qui était plutôt indépendante depuis sa stérilisation, devient très proche. Elle se colle maintenant tout contre moi et semblait vouloir me donner toute sa douceur pour me réconforter. Elle a été un grand soutien moral pendant cette période.
Même après la résolution de ce problème de santé, elle savait quand je n’allais pas bien pour une raison ou une autre. Nous avons tissé un lien très étroit. Elle recommençait à ronronner et à frotter ses joues contre nos mains, comme avant la stérilisation.
2017/2018
J’emmène Vodka à la clinique vétérinaire proche de chez moi, car je m’étonne qu’elle reste très mince malgré son âge. Sa sœur Mousse est déjà plutôt dans le style embonpoint. Ils me disent qu’il n’y a pas de problème et que c’est sa nature. Plus tard, je la remmène une autre fois parce qu’on voyait le blanc de ses yeux et que j’avais lu que ça pouvait être la troisième paupière et un signe de problème de santé. Même verdict, la vétérinaire qui l’ausculte m'assure qu’il n’y avait pas de souci.
Au cours de l'été 2018, je retrouve souvent des petits vomis sur le sol, mais avec trois chats je me dis que c’est normal et à cause des poils. C’est à partir de ce moment que pointent mes regrets et l’impression de ne pas avoir été assez réactive.
Juste avant Noël 2018, Mousse a eu une dent infectée. L’extraction de cette dent s’accompagne d’un détartrage, toujours à la clinique Zéro, mais ça se passe bien. Ils sont trois vétérinaires dans cette clinique et je n’ai pas de préférence. Comme c’est une urgence, j’ai pris celui qui était disponible et je ne me souviens plus lequel c’était. Pour moi, à l'époque, tous les vétérinaires se valent plus ou moins. Ils ont été formés pour prendre soin des animaux. Je n'ai pas une telle confiance dans tous les domaines, mais j'étais persuadée que vétérinaire est une vocation avant d'être un métier.
Je me dis qu’il faudra que je songe à faire faire un détartrage à Vodka également pour qu’elle ne vive pas la même mésaventure. Ma situation financière commence à s’améliorer, mais ce n’est pas encore le top. C’est donc en novembre 2019 que je prends rendez-vous pour ce détartrage. Après consultation et prise de sang, il est convenu que je la déposerai le mardi soir pour la récupérer le mercredi soir.
Mais le lundi après-midi j’ai un message du secrétariat de la clinique Zéro pour me dire de l’amener le lundi afin de lui faire une perfusion de 24 heures avant l’anesthésie. Je rappelle pour savoir pourquoi il fallait faire cette perfusion et la secrétaire, une gourdasse de première catégorie, ne cesse de me répéter « Je sais pas. Faut voir avec le vétérinaire. Je ne peux pas dire. Rien de grave, c’est juste qu’il faut la perfuser pendant 24 heures avant » Je demande si je peux rencontrer le vétérinaire le soir même pour savoir ce qui se passe exactement et elle me répond que oui.
Je suis arrivé à la clinique à 17H45 après le travail et j’ai attendu, attendu, attendu. Tout le monde me passait devant. La secrétaire était toujours incapable de me dire quoi que ce soit. Je suis repartie à plus de 19 heures sans avoir vu le vétérinaire. J’ai rappelé le lendemain pour savoir si le secrétariat avait plus de détail, réponse négative. J’ai dit que je repasserai le soir et je n’ai toujours pas eu de réponse. La secrétaire m'avait répété que ce n’était rien de grave et que c’était juste une mesure de sécurité supplémentaire, mais je me suis dit que même si c’était mineur, il valait mieux différer ce détartrage et voir déjà ce qui se passait exactement. J’ai annulé l’intervention et je me suis dit que j’emmènerai Vodka dans une autre clinique vétérinaire, ce qui impliquait une nouvelle consultation et un nouveau prélèvement sanguin.
Mon expérience avec les soins vétérinaires se limitait à des stérilisations et je ne savais même pas qu’on pouvait demander les résultats d’analyses sanguines de son animal. La clinique Zéro ne les donnait pas.
2020
Puis le covid est arrivé et j’ai complètement zappé tout ça. Rien de grave avait répété la secrétaire. Vodka allait bien. Jamais je ne me serais imaginé à quel point les chats de notre époque pouvaient être frappés par tant de maladies, même encore jeunes. Je ne savais rien en fait et je regrette que les cliniques vétérinaires ne proposent pas des petits livrets, même succincts, pour lister les différents symptômes des maladies les plus courantes. Ils devraient avoir des affiches placardées dans les salles d’attente, plutôt que de faire de la pub pour ce qu’ils vendent. « Vomissements ? Haleine avec une odeur forte ou d’urine ? Augmentation de débit urinaire ? Diminution de l’appétit ? Un ou plusieurs de ces symptômes est peut-être celui d’une maladie rénale. N’attendez pas pour consulter votre vétérinaire et faire faire un bilan sanguin. » Voilà qui ne serait pas compliqué à mettre en place n’est-ce pas ? Surtout quand 30 % des chats meurent de cette maladie. Surtout quand une vétérinaire à domicile vous explique que 9 fois sur 10 les anesthésies qu’elle pratique concernent des chats en IRC. Mais la prévention rapporte moins que les soins. Ou alors ça ne leur vient tout simplement pas à l’esprit. Personne dans les écoles vétérinaires n’a eu l’idée de leur dire : « Faites de la prévention surtout, car le plus important reste la santé de ces animaux. » Ils préfèrent disposer des flyers commerciaux sur les tables basses des salles d’attente, des fois que vous ayez la bonne idée de cracher une vingtaine d’euros en plus pour un diffuseur d’hormones.
Fin 2021/ Début 2022
Souvent quand je m’asseyais sur le canapé, Vodka avait pris l’habitude de mettre ses deux pattes avant sur mon torse pour recevoir des câlins à rebrousse-poil. Sa petite face se retrouvait à hauteur de la mienne. Je lui disais : « Dis donc tu as une haleine de croquettes pas fraîches, tu as une haleine de fennec ». J’ai été étonnée ensuite d’avoir à changer les litières plus souvent. Elles étaient inhibées d’urine rapidement.
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Esperance le Dimanche 15 Janvier 2023 22:09, modifié 2 fois.