Les chats d'une vie

[Circe]

Histoires de chats.
Je me raconte, je vous raconte, les chats qui ont accompagner mon chemin.
Il n'y en a pas eu beaucoup, puisque tous ont bien vécu...

Muploum et Mysoline

Je suis née dans une famille où il y avait 2 chats.

Muploum était un gros matou roux, avec une cible dessinée sur chaque flanc.
Il avait été trouvé tout chaton dans une rue de Rouen.
Il s'appelle comme ça parce que lorsque mon père jouait de la guitare, il "chantait" avec lui en faisant "miuuu" et mon père répondait "ploum !"
C'était un matou placide qui n'aimaient que peu de personnes : mon père, ma mère, la minouche de ma mère, puis moi.
Lorsque je suis née, il avait 5 ans. Il gardait mon berceau tel un fauve et grognait ceux qui l'approchaient sans son autorisation. Il y a des photos notoires, mais tirées sur papier et pas numérisées.
(note pour plus tard, investir dans un scan)

Sa copine, c'était Mysoline.
Une minette noire et blanche trouvée mourante par ma maman dans les poubelles de l'hôpital où elle travaillait, dans un pays étranger où les vétérinaires ne soignaient pas les chats.
Elle se sont regardées, se sont adoptées.
Mysoline, c'est le nom d'un neuroleptique. Humour hospitalier.
Mysoline était adulte, mais très très abimée, des plaies partout, une probable fracture à la patte, infestée de parasites. Elle s'est laissée nettoyer, désinfecter, atteler, déparasiter, câliner et a décidé de vivre.
Ma mère a passé beaucoup de temps à lui tenir la patte.
J'avais un an et il y a des photos de moi veillant sur son "berceau", comme Muploum avait veiller sur le mien plus tôt.
Mysoline a repris du poil de la bête.
Elle a grossi.
Grossi.
Grossi...
vraiment beaucoup grossi quand même...
Mysoline avait du monde dans le ventre.
J'avais un an et j'ai appris à marcher avec des chatons plein les pieds...

Muploum et Mysoline ont passé toute leurs vies ensemble.

Muploum s'est éteint pendant son sommeil, d'une minute à l'autre, l'année de mes 14 ans.
Mysoline s'est laissée partir 15 jours plus tard. C'est un vétérinaire qui l'a aidée pour abréger la fin, vraiment trop dure.

Nous nous sommes retrouvés sans chats d'un seul coup et j'ai appris avec leur départ ce qu'est un vrai deuil.

Mais les chats trouvent toujours ceux qui les aiment ... (la suite très vite.)

[Circe]

Thaïs et Pinocchio

J'ai 15 ans.
Je vais voir des amis dans un quartier plein d'immeubles compliqués.
Mais où est donc ce fichu n° 1245 ?!
Je traverse la passerelle.
Une boule de poils arrive dans ma direction en courant ventre à terre.
On dirait un gros rat...
Un lapin avec les pattes blanches ?...
C'est un chat !
Je m'arrête pour le laisser passer.
Il me regarde en courant toujours.
Freine.
Se cache derrière mes jambes comme si on se connaissait.
"Hé petite bête, ça ne court plus derrière toi ce que tu fuyais. Y'a plus rien."
On se regarde.
Je fais un pas.
Le mini-chat se recolle.
Je me baisse.
Regard de gratitude.
Gratouilles.
Frrrotte. Ronrons.
C'est une fille.
Elle a un beau poil. Le dos couleur lièvre et le ventre blanc. Et des gants blancs. Et une gale des oreilles.

Personne autour. Pas de tatouage, pas de collier.
Elle me suit comme un toutou...

Je mettrais des photos dans le quartier, mais personne ne réclamera la minette.
Je ne saurais jamais devant quoi elle fuyait.

Elle, c'est Thaïs.
Mon premier chat-à-moi.
Thaïs est adulte, mais de tout petit gabarit. Elle a probablement 2 à 4 ans.
Elle est en bonne santé, mais infestée de puces et de vers.
Après un tour chez le véto, pour virer tous les squatteurs, la stériliser et faire les tests de rigueurs, elle établi ses quartiers dans mon lit.
Elle vivra avec moi chez mes parents, avec son pote Pinocchio,
m'attendra lorsque je fais ma terminale en internat,
me suivra dans mes collocations étudiantes,
partira avec moi dans tous mes week-ends de jeunesse.
Elle se fiche de tout tant qu'on est ensemble.
C'est le seul chat randonneur que j'ai connu.

J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps lorsque j'ai du la confié à une amie parce que j'étais mutée à l'étranger, en itinérante, et que mon employeur refusait qu'elle me suive.
J'avais Thaïs depuis 7 ans, lorsque je l'ai confiée à Véronique, une amie très chère qui élève des ânes et des chevaux.
L'adaptation a été difficile pour moi. Plus que pour elle.
J'ai failli démissionner 12 fois. Elle, elle apprenait à monter sur un cheval.

J'ai passé 3 ans à l'étranger.
Lorsque je suis revenue, Thaïs était bien chez Véronique.
Elle allait bien, avait un poil superbe et draguait tous les chevaux même si elle ne montait plus dessus.
Je suis venue la voir très souvent jusqu'à sa mort.
J'avais droit à des câlins et des ronrons.
Je crois qu'elle me disait que ça allait.
Elle est morte d'insuffisance cardiaque deux ans plus tard.
Je lui ai tenu la patte jusqu'au bout.
Véronique tenait l'autre.

Lorsque j'ai trouvé Thaïs, il nous est apparu évident qu'il manquait un chat.
Chez nous ça marche par 2 ces bêtes là.
Mon petit frère rêvait d'avoir son chat-à-lui.
Refuge SPA.
Vieux local, ancien magasin, grande vitrine, cages partout.
On pousse la porte.
Je tiens mon frère par la main.
Une dame devant nous, un chaton dans les mains.
Le chaton est tigré, il a un grand nez et des grands yeux.
Mon frère : -"Ho ! c'est Pinocchio !"
La dame : -"Il arrive à l'instant ce chaton, il sort de la visite vétérinaire."
Le chaton : - "Ok. Bon, on y va ?"
Pinocchio est adopté.
Thaïs le papouillera comme si c'était le sien.
Trois ans plus tard, mon frère tombe malade.
Vraiment malade.
Du genre de maladie qu'on aime pas et qui laisse des traces.
Suite à ça, il devient asthmatique lourd. Avec hospitalisations et traitements qui rigolent pas.
Il ne faut plus de chats à la maison.
(Mon frère, aujourd'hui adulte, a encore a des traitements lourds pour supporter de passer 2 heures dans la même pièce qu'un matou. Autant dire qu'il n'est pas souvent chez nous.)
Moi je viens de partir avec Thaïs, mais Pinocc a grandit en montagne (chez mes parents) au milieu de rien et la colloc étudiante est inenvisageable pour lui.
Il a fallu donner Pinocc à une autre famille.
On lui a cherché une autre famille avec des critères impossibles :
qui vive en montagne,
considère les chats comme des membres de la famille,
ait déjà un ou deux chats adultes,
ait un vrai suivi vétérinaire,
... et on a trouvé.
Pinocc est parti dans la montagne d'en face, chez deux dames charmantes qui sont restées nos amies.

Lorsque je repense à cette période, j'ai la sensation que nos relations avec nos chats ressemblaient à nos vies : tout était compliqué, fait de ratés et d'instabilités.
Confier Thaïs et donner Pinocchio (même si ce n'était pas mon chat) a été particulièrement dur. J'en reste un peu piteuse encore aujourd'hui.

[Circe]

Siham...

J'ai 25 ans.
Mon chéri est devenu mon chéri depuis quelques mois.
Dans sa famille, il y a 2 vétos et mon beau-frère qui a fait médecine par dépit de n'avoir pas pu être vétérinaire (véridique).
Nous sommes en juin.
Mon beauf a trouvé des chatons à sauver.
Une portée non-voulue que la maman-chat avait planqué pour ne pas se les faire tuer, mais maintenant qu'ils marchent, ils sont à vue. Le propriétaire ne tuera que ceux qui ne sont pas adoptés. Et tout le monde dehors à 2 mois.
On se propose comme famille de transition le temps de trouver des adoptants pour ceux qui restent.
Mon beauf me dit que les petits sont magnifiques, poils mi longs, ils ressemblent à des Birmans.
Ils trouveront très vite des foyers.
Fin juin.
Il ne reste que deux femelles sans preneurs qui débarquent dans notre studio mansardé, date de péremption oblige.
L'une parce qu'elle est trop speed et mordille/pistonne tout ce qui lui passe à porté de pattes,
L'autre parce que personne ne peut l'approcher.
Mon beauf en veut une des deux.
Il restera l'autre à faire adopter.
J'ouvre la cage.
Un chaton pelucheux sort.
Pelage bleu et blanc, mimique de friponne, trois minutes après, elle joue.
Je regarde dans la cage.
Il y a une boule de coton dans le coin le plus loin, au fond, à gauche.
Elle me regarde.
Elle a l'air triste et apeurée.
En trois secondes, moi qui suis encore la maitresse exclusive de Thaïs, ma vieille Thaïs que j'ai confiée traitreusement, je comprend que ce chaton là, c'est peut être un studio-cocon avec des gens dedans qui lui ferait le plus de bien.
Elle mettra plusieurs heures à sortir de sa cage, pour venir directement sur moi.
Pendant longtemps, personne d'autre que chéri-chéri ou moi ne la touchera.
Mon Beauf a adopté le chaton bleu et blanc.
La petite boule de coton est en fait une belle demoiselle chat, chocolate tabby point, au caractère étonnant.
Elle s'appelle Siham.
Elle est particulière sur quelques points :
Elle n'a qu'une semaine de chaleur par an, entre fin mai et fin juin, ce qui fait qu'elle est restée entière jusqu'à ses 12 ans,
Elle a refusé catégoriquement les 3 mâles que nous lui avons proposé lors de ses chaleurs pour ses 2, 3 et 4 ans,
Elle ne joue QUE seule, mais adore les siestes collectives en tas,
Elle accepte d'obéir à certaines consignes comme un chien (dedans, dehors, stop, non, vas-y, pas bouger, ...)
Chez le vétérinaire ou quand il faut lui faire quelque chose dont elle n'a pas envie, elle se transforme en chat-tout-mou dont le seul signe de résistance est le pipi-de-peur,
Elle est douce, gentille, conciliante, nettoie tout poil à portée de langue avec attention.
Déteste être loin de nous et l'agitation.

Lorsqu'elle a 9 ans et demi, une petite boule dure pousse entre ses omoplates.
C'est un cancer (un fibrosarcome).
Avec un mauvais pronostic et un pourcentage de récidive effrayant.
Elle est opérée très tôt (tumeur de 0,5cm) et le vétérinaire coupe très large autour de la tumeur, en enlevant tout le muscle jusqu'aux vertèbres.
Mais l'anapath révèle des bordures profondes infiltrées.
Le cancer va revenir, c'est une question de temps.
Nous optons pour une prise en charge alternative : ça sera osthéo à haute dose, homéopathie, régime alimentaire adapté et phytothérapie.
Le but du jeux, c'est de préserver au mieux son système immunitaire pour qu'il soit le plus régulier possible.
Tout a-coup peut faire repartir le cancer
Pour le moment, cela fait trois ans et Siham est stable.
Chaque moment gagné avec elle est une victoire.

Nous avons eu très peur dernièrement, ce qui nous a poussé a des choix atypiques pour préserver la régularité de son immunité.

... et Sakhaline

J'ai 25 ans, je viens d'adopter Siham.
Nous sommes en juillet.
Avec Chéri-chéri, nous passons devant un camion ouvert, à l'arrière duquel une dame donne une coupelle de lait à un chaton.
On se sourit.
Je regarde le chaton.
Un tout petit truc tout maigrichon et tout pelé, mais d'un roux magnifique.
Je demande à la dame si c'est du lait maternisé puisque le lait de vache est mauvais pour les chats.
Elle me dit que non, se précipite sur la coupelle pour l'enlever et nous entamons la conversation.
La dame vient de trouver cette petite boule dans une poubelle collective, en jetant les poubelles de son camion.
Elle a un gros chien qui n'aime pas les chats, mais pensait à une copine pour récupérer le bestiaux.
Je lui laisse mon numéro de téléphone en lui faisant promettre de m'appeler si la personne à qui elle pense n'en veut pas.
Moi j'ai ma copine Steph qui cherche un chat, celui là a besoin de quelqu'un, on va trouver des solutions.
Le soir même, la dame m'appelle.
Sa copine ne voulait pas ce chat là.
Ok.
On part chercher le chaton.
La dame nous file chat et croquettes chatons achetées le matin même.
Je prend le chat, chéri les croquettes.
La bestiole est expressive :
Chat : - "Salut. On va où ?"
Moi : - "On t'emmène. On va te présenter quelqu'un demain : c'est une chouette copine, elle cherche un chat"
Chat : - "Ha d'accord."
Devant la voiture.
C'est moi qui conduit.
Chéri pose les croquettes, je lui passe le chat.
Et là...
Le coup de foudre.
Elle le regarde :
Chat : - "hoooooo... Tu es très très beau. Tu sens très très bon. Je t'aiiiiiime..."
Chéri : - "Heu ... ok."
Moi : - "Bon, ben je vais rappeler Steph pour lui dire que le chat a trouver son maitre, hein ..."

Sakhaline avait environ 3 mois.
Elle était infecte, maigre au possible, couverte de plaies, de la gale jusqu'en haut des oreilles, pleine de puces et de vers. Nous avons eu la chance qu'elle soit négative à toutes les pathologies lourdes contagieuses.
A ce moment là, elle ne jouait qu'en mordant, pissait absolument de partout, marquait TOUT (les murs, les meubles, les tapis, les fringues, les bouquins, ...)
Il nous fallu des mois de patience et d'attention (et un semi-remorque de Feliway) pour stabiliser son comportement.
La rencontre avec Siham a été terrible.
Le Ying et le Yang en approche frontale.
Entre l'une qui ne savait pas parler chat et qui partait dans tous les sens et l'autre qui supportait pas que ça brasse autour d'elle, on a passé quelques journées et nuits inoubliables.
Il nous a fallu 3 gros mois pour que ça arrive à se tasser.
Et puis Siham a appris à Sakhaline à être un chat.
Elle sont devenues inséparables.
Elles se causaient, passaient des heures à se toiletter et à se câliner.
Sakhaline est devenue championne de rattrapage de boulettes,
Elle savait sauter à des hauteurs impressionnantes.
Elle détestait les changements d'endroits qui la stressait par dessus tout.
Un chat impossible à emmener en vacances.
Elle était équilibriste spectaculaire, mais avec des ratées :
Elle est tombée du troisième étage en chassant une mouche debout sur la rambarde de la fenêtre.
Elle avait des gouts alimentaires un peu spéciaux :
définitivement fan de courgettes et de brocolis, rien ne la rendait plus dingue que les peaux de melon.

On s'entendait bien toutes les deux, mais il faut être honnête : le héros merveilleux extraordinaire et génial, c'était chéri-chéri.

Lorsque Sakhaline a eu presque 9 ans, une boule est apparue entre ses omoplates.
Notre premier fibrosarcome familial.
Nous sommes allés chez le vétérinaire en pensant à un truc bénin.
Nous sommes ressortis démontés.

Elle a été opérée.
Mais la tumeur était trop agressive et est revenue à une vitesse effrayante.
Même pas le temps de tenter Maison Alfort.

Le cancer a été fulgurant et son agonie a duré très peu de temps.
Nous avons accompagné notre chat jusqu'au bout.
Elle est morte chez nous, à quelques jours de Noël, entourée d'amour dans les bras de Chéri-chéri, en attendant le vétérinaire qui devait venir l'aider à partir.
Elle est enterrée sous un arbre que nous avons planté pour elle, dans le jardin de mes beaux-parents.

Je sais que le lien n'est pas prouvé, mais nos deux chats ont été vaccinés avec les même lots de vaccins contre la leucose. Et les deux sont atteintes d'une pathologie théoriquement rare.
Alors je ne peux m'empêcher d'avoir un doute ...
Siham ne sera plus vaccinée du tout, puisque ça serait trop risqué.
Mes autres chats actuels ne sont pas vaccinés contre la leucose, puisqu'ils ne sortent pas.

Nous avons vraiment cru perdre Siham après la mort de Sakhaline.
Elle la cherchait partout, ne s'alimentait plus, dormait beaucoup.
Nous nous sommes trouvés à cours de solutions.
Sur les conseils de notre véto, nous sommes partie en quête d'un chaton ...

[Bidibulle]

Waow. Très beaux textes. Que dire, si ce n'est que j'ai été émue comme pas possible en lisant les histoires de tes chats, que j'ai eu l'impression de les connaitre ?
Merci de nous faire partager ce vécu, ces rencontres, ces coups de foudres, ces coups durs aussi, tous ces moments magiques et cet amour partagé dont sont tissées nos relations avec nos animaux

[Circe]

Merci beaucoup.
Je suis très touchée que les personnalités de ces vies que j'ai aimées soient passées jusqu'à toi.
Ils prennent une importance folle, ces poilus merveilleux.

Mon récit n'est pas fini, il reste encore la suite de Siham, puis Yum et enfin Circé.
Je reviens dès que je peux.

[Circe]

... et Yum ...

J'ai 34 ans et Sakhaline vient de mourir.
Cette année a été particulièrement difficile.
Nous avons accusé trois deuils de très proches et le décès de notre Kitty fini de nous achever.
Siham réagit fort.
Très fort.
Vraiment très fort.
Elle s'épile, se gratte à s'en arracher la peau, ne mange presque plus.
J'ai dans la tête Mysoline qui est morte de chagrin.
J'ai peur pour ma chat.
Siham a plus de 9 ans, difficile pour moi de prendre le risque d'adopter un adulte avec lequel elle ne s'entende pas.
Nous sommes le 25 décembre.
Pas la saison des chatons.
Je vais voir à la SPA, dans les refuges alentours.
Pas de coup de foudre.
Par hasard, j'arrive sur le bon coin chez une amie qui me montre la minette qu'elle est en train d'adopter.
Une annonce m'attire l'oeil.
Je contacte la dame.
Elle est à 220 kms de chez nous.
une éleveuse familiale de siamois, une gestation surprise,
deux petits minous sont nés en octobre, trois mois après la dernière portée officielle de leur maman.
Ils sont tout bleus, comme leur papa, le chartreux du voisin avec qui la belle a fauté.
Photos.
Le petit mâle est trop mignon.
Il est tout bleu, presque anthracite, a la queue pleine de noeuds et en forme d'hameçon au bout.
Nous convenons que c'est lui. On va le laisser grandir encore quelques semaines avec sa soeur et sa maman.
Dix janvier.
Siham a perdu du poids.
Elle dort beaucoup, mange peu.
Elle a arrêté de chercher Kitty, mais nous regarde longuement avec les yeux tristes et éteins.
Elle a du chagrin.
Je lui donne du rescue tous les jours. Le Feliway n'a aucun effet. L'ostéo améliore un peu la situation.
Elle est en deuil.
Le petit chat a eu 12 semaines.
Chéri-chéri et les enfants partent le chercher un week end où je suis en déplacement professionnel.
On se retrouve tous le dimanche soir.
Petit-Chat est un peu azimuté et est parti se cacher dans un petit coin.
Les enfants sont fiers comme des poux d'avoir pris soin de ce nouveau bébé.
Siham s'en fiche.
Je vais à l'entrée de sa cachette, je l'appelle.
Contre toute attente, il sort.
Salut petit bout.
-"Ho que tu es beau !
T'as le poil tout rêche du petit chat qui a eu peur.
Ca te dit un câlin dans mon pull ?"
Il monte sans hésiter.
Ce bébé chat vivra sur mes genoux et sur mes épaules jusqu'à avril.
Il est là où je suis, y compris aux toilettes et sous la douche.
J'ai un fan, un amoureux transit qui ne me quitte pas des yeux et me lance des je t'aime merveilleux.
Siham, elle, fait mine de rien.
Elle le lèche un peu.
Concède une petite sieste avec lui de temps en temps.
Mais elle a arrêté instantanément de se gratter et de se lécher.
Et elle remange.
Yum, c'est mon chat à moi.
Aussi.
En fait c'est plutôt que je suis son humaine à lui.
Il est très très fusionnel, mais pas jaloux.
Les enfants sont trop classe pour chahuter.
Chéri-chéri est acceptable comme chauffage quand je ne suis pas là.
Sinon, il dort dans mes bras la nuit, est sur mes épaules pendant les repas, sur mes genoux pendant mes longues sessions de travail. Il déteste quand je suis en déplacement.
Il est doux comme un nounours,
très propre et bien élevé : il ne fait pipi que dans sa caisse, ne griffe que les endroits prévus pour ...
Mais il a deux habitudes pénibles :
il mange les pulls comme un chat mal sevré - il a pourtant quitté sa maman a 13 semaines -
et il mange aussi les sacs plastiques.
Ca nous vaut un tour en urgence à la clinique vétérinaire, avec une suspicion d'occlusion, parce que cette andouille a ouvert le placard, puis le tiroir où sont rangés les sacs plastiques.
Il a le système digestif fragile. Il réagit au stress et au moindre écart alimentaire.
Quelques mois plus tard,
il devient un matou joueur et sympa.
Je l'emmène chez le véto, parce que ses testicules sont étranges : très petites et elles étaient absentes de ses bourses quand il était chaton.
Le véto m'explique que Yum est probablement sous-hormonalisé et stérile, d'où son attitude d'éternel chaton et son absence de marquage territorial. Ca vaut pas vraiment le coup de le castrer, sauf si je remarque un changement.
Ok.
Donc chez nous on a des chats infertiles et à la queue tordue.
Spécificité familiale.
Avec Siham, ils ont une relation en demi-teinte.
Ils passent de câlins-siestes à bataille un peu engagée,
Ils se cherchent quand l'un des deux est absent,
Dorment sur le lit au même moment, mais pas dans le même coin,
partagent leurs gamelles,
Siham nettoie souvent les oreilles de Yum avec l'air scandalisé par un manque d'hygiène auriculaire inadmissible.
Juste avant qu'ils se roulent par terre en se bagarrant ...

[Circe]

... et Circé.

Cette histoire de chat là, elle met du temps à sortir, parce qu'elle est encore très chargée d'émotions.


J'ai 37 ans.
Nous sommes dans un tourbillon de vie.
En plus de mon boulot à plein temps, j'ai repris mes études en Master 2.
L'emploi du temps est invraisemblable.
Fin novembre, je m'absente pour une semaine de séminaire.
Coup de fil du soir habituel avec Chéri-chéri, faire des bisous aux enfants.
Puis, juste avant de raccrocher, il me dit :
-"Tiens, je crois que Siham a amorcé des chaleurs et Yum avait l'air intéressé"
-"En plein novembre ? tu dois te tromper, elle a jamais fait ça. Et Yum intéressé ? ben v'là autre chose ..."
On convient qu'il surveille, mais on est bien d'accord qu'il s'est probablement trompé.
Effectivement, rien à signaler quand je rentre.
Ma chat est parfaitement semblable à elle même.
Les fêtes de fin d'année passent, entremêlée d'histoires professionnelles compliquées qui me mangent la tête.
Elle dort beaucoup Siham, nan ?
Oui ... peut être ...
Je la sens pas comme d'habitude ma chat.
-"Allo Véto ? Siham, chaleurs, novembre. Bizarre ..."
Véto connait bien Siham. Et bien Yum aussi.
-"Nan mais probablement rien. T'en es où de tes envies d'un ptit troisième ? genre tu projetterais pas un peu ?"
Début janvier
-"Allo Véto ? Ca bouge dans le ventre !!"
-"14h. Soit pas en retard."
Echo.
Sidération.
Un chaton. En pleine forme.
Véto piteux. Moi encore plus.
Tempête sous le crâne.
Je fond en larmes dans le cabinet.
J'ai peur.
Elle a 12 ans, un cancer en rémission,
3 ans qu'on travaille à stabiliser son système immunitaire pour éviter/retarder la rechute
Une gestation c'est prendre non seulement des risques pour sa santé parce qu'elle est trop âgée, mais aussi de faire repartir son cancer avec la fatigue et les mouvements hormonaux.
Véto passe des coup de fil.
Toute la clinique défile dans le cabinet.
C'est un peu leur bébé aussi, elle aurait du mourir il y a longtemps de ce fichu cancer et elle est toujours là.
Moi je vois flou et je pleure comme une madeleine avec ma chat dans les bras.
Véto, plan d'attaque :
-"Deux solutions :
1 - On interrompt la gestation, anesthésie générale, baisse immunitaire de toute façon, risque de rechute.
2 - On laisse finir la gestation, cycle hormonal complet, moins hard pour la mère, mais faut prendre la relève derrière pour limiter la fatigue mais risque de rechute un peu moins.
De toute façon, elle a 12 ans et c'est pas de son âge de faire une gestation."
-"Tu ferais quoi si c'était ton chat ?"
-"A risques égaux, dans la deuxième option, il y a un chat de plus, si il survit : vous comptez en faire quoi ?"
-"Ben on le garde."
-"Prend la 2eme option, c'est la moins risquée pour elle, sauf si il y a des complications."
Je rentre, avec ma chat et son bedon qui s'arrondit.
On convient de faire une écho par semaine, avec un point général et que je l'appelle au moindre doute.
Bébé-chat devrait naitre dans la fourchette entre le 16 et le 28 janvier.
A partir du 16, j'appelle le cabinet tous les jours.
A partir du 20, écho tous les 3 jours.
Véto est à 25 minutes de chez moi.
Siham est comme du lait sur le feu.
Le 24 on prévoit une césarienne pour le début de semaine si elle n'a pas mis bas.
Elle dort au creu de mon ventre toutes les nuits, ne me décolle plus.
Elle exige ma main sur son ventre la nuit.
Je la lui donne volontier, mais ne dort pas des masses.
Je négocie quelques jours off au boulot.
Elle contracte sporadiquement. Doucement.
J'ai Véto au téléphone toutes les demi-journées.
Le lundi 27, elle perd du liquide et vient me chercher.
71 jours de gestations calculés. Le bout du bout.
Elle contracte. Son bébé bouge bien.
Elle boit bien.
Le travail traine la patte et s'arrête dès que je ne suis pas complètement avec elle.
-"Allo Véto ? qu'est ce que t'en penses ?"
-"Si elle va bien, laisses lui le bénéfice de la nuit. Par contre, demain matin à la première heure si elle n'a pas mis bas toute seule."
Nuit blanche.
Travail sporadique.
Matin.
Voiture.
Arrêt du travail.
Véto.
Césarienne.
Stérilisation au passage.
Bébé-chat boit la tasse.
Bébé-chat né inerte.
Véto se pose la question de réanimer. Ou pas.
Tentative.
Bébé-chat se bagarre.
Revient avec une volonté féroce.
-"Allo ? Y'a deux chats à toi ici. Viens les chercher".
Je viens récupérer mes chats.
Ma Dou est hagarde, inerte. Sans réaction.
Je re-fond en larmes.
(Vous allez croire que je fais que ça, de pleurer, mais en fait d'habitude pas tellement.
Juste, là, j'ai passé toute l'histoire à pleurer.)
Véto me rassure :
-"Elle va récupérer. Laisse lui le temps. Tiens là au chaud, dis lui que tu l'aimes et occupe toi de son bébé le temps qu'elle atterrisse."
Ha oui, tiens, son bébé ...
Une toute petite bête toute blanche, avec une énergie incroyable monte à l'assaut des tétons de sa mère, du museau de sa mère, de la chaleur de sa mère, ...
Prescription :
"Biberon toutes les 1h30/2h, jours comme nuits.
Coton humide avant après chaque repas.
Bouillotte et collé à maman."
Ok. Moi qui n'ai jamais fait un biberon de ma vie (si si, c'est possible en ayant eu 2 enfants), me vlà servie.
Nid de chats sur notre lit.
Là où Siham voulait mettre bas : à coté de mon oreiller.
Je n'ai rien dormi du tout les 3 premiers jours de vie de ce bébé-chat.
Ma chat a mis 2 jours à sortir du gaz.
Bébé-chat a mis toute son énergie à la rencontrer, à la ramener.
Là encore j'ai pleuré comme une fontaine, de peur, d'épuisement, d'émotion.
Puis, les tétées se sont mises en place, mais bébé ne prenait vraiment pas assez de poids.
Donc on a gardé les biberons à haute dose, autant pour faire pousser Ptit-bidou que pour soulager Maman-chat.
6 semaines sans m'absenter plus de 2h.
En bossant.
J'ai cru que je n'en verrais pas le bout.
Puis les biberons se sont espacés en douceur, jusqu'à ce que bébé-chat se sèvre vers 10 semaines.
Siham s'est avérée une maman douce et attentionnée.
Aujourd'hui, Bébé-chat tète toujours, une à deux fois par semaine, à grand renfort de ronrons.
Bébé-chat est en fait une fille, qui a eu 4 mois hier.
Elle s'appelle Circé, parce que sa présence est tellement miraculeuse, tellement improbable, qu'elle méritait bien le nom d'une magicienne.
Siham va bien pour le moment.
Elle ne montre pas signe de reprise de cancer, mais c'est encore très tôt.
Ses examens sanguins sont normaux.
Circé est une demoiselle drôle, frondeuse et malicieuse,
élégante, intelligente et sympathique.
C'est le chaton le plus propre de la création :
entièrement nettoyée tous les jours par maman, qui en connait un rayon en coup de langue,
re-entièrement nettoyée par papa,
puis à nouveau nettoyée par ses soins.
Elle a pas un poil qui dépasse, rien.
Et, surprise, deux chats à le queue tordue, ça donne un chat à la queue normale.
Un troisième chat imprévu, mais qu'on est très heureux d'accueillir dans notre famille.
Ma Cissouille, ma nouille, ma bouille d'amour, on t'aime.


Post-criptum :
Ceci dit, je ne referais vraiment pas de portée.
C'était ma première, totalement imprévue, et ma dernière.
Yum et Siham sont stérilisés, Circé le sera le mois prochain.
La nature récupère ses droits, même quand elle n'a que d'infimes, infimes, probabilités de le faire.
J'ai toujours adopté des chats ados/adultes et je continuerais à le faire si un jour il y en a un autre.
Je tire mon chapeau aux éleveurs et aux FA qui élèvent des tout-petits, c'est vraiment un investissement de chaque instant.

[Molette]

Quelle histoire improbable l'arrivée de la petite circe ! En esperant que la santé de Siham va rester au beau fixe.
C'est une belle petite famille

[Lyreo]

Pfiiiooouuu, quelles hsitoires. J'ai eu les larmes aux yeux pour presque chacun de tes chats...

Et c'est super bien raconté. Félicitations !

[plume377]

Je viens de tout lire. C'est émouvant, bouleversant... Très beau
Merci pour ce magnifique partage.