Je suis loin d'être une contributrice assidue de ce forum, et pourtant je vous lis très régulièrement.
J'ai éprouvé le besoin de venir m'épancher ici quand mon chat Sheldon a eu un accident en novembre 2013, et vous m'avez beaucoup remonté le moral lorsque j'attendais de savoir s'il allait s'en tirer ou pas.
Par la suite, j'ai créé un topic pour le présenter un peu mieux, puis, lorsqu'en février 2015 il a été rejoint par sa petite soeur, j'ai fait un autre topic pour parler de leur relation débutante et des inquiétudes que je nourrissais quant à leur entente ultérieure.
J'ai souvent pensé qu'il y avait bien d'autres choses à dire au sujet de ces deux chats, et plus particulièrement du plus grand, bien d'autres photos à montrer et d'anecdotes à raconter.
Pourtant je ne l'ai jamais fait, et aujourd'hui c'est le coeur littéralement en miettes que je viens faire une chose aussi difficile qu'inimaginable il y a encore quelques semaines, poster un hommage à ce chat extraordinaire qui a partagé ma vie pendant 3 ans, et qui est maintenant décédé.
Sheldon est parti il y a plus de 2 semaines aujourd'hui, dans des circonstances qui me hanteront toute ma vie.
Le vendredi 2 octobre au soir nous l'avons vu pour la dernière fois. Durant tout le WE nous avons imaginé qu'il avait pû être enfermé quelque part, et nous espérions qu'il rentrerait.
Nous sommes allés l'appeler, pensant que peut-être de sa prison éventuelle il nous entendrait et saurait nous guider vers lui. Garage, cave d'un voisin, voire même maison de gens partis pour le WE ... L'espoir n'était pas immense mais l'inéluctable était encore impossible à accepter.
Puis nous avons publié des annonces sur internet, FB, et placardé des affiches dans notre village.
Les jours passant, nous avons peu à peu perdu tout espoir.
Sheldon n'était pas un chat fugueur. Amical, curieux, en effet, aimant visiter les maisons et jardins alentours, bien connu des voisins, oui, chez qui il s'invitait parfois l'après-midi, mais pas fugueur !
Le lundi 12, une dame qui avait fini par trouver une de nos annonces m'a téléphoné.
Elle m'a dit qu'elle avait trouvé un chat le samedi 3 au matin, dans son jardin, mourant.
Elle avait l'air bien désolée, cette dame. Elle n'avait pas su quoi faire, n'ayant pas de voiture, donc aucun moyen de l'emmener chez un veto, alors elle avait simplement attendu.
Et au bout de quelques heures, le chat était mort.
C'était une voisine, cette dame. Pas une voisine directe, mais une habitante de mon quartier. Elle a apparemment tenté de demander autour d'elle si quelqu'un connaissait ce chat, mais ses recherches n'ont rien donné. Le dimanche soir, elle l'a placé dans une boite, puis l'a jeté à la poubelle.
Plus tard, elle est tombée sur une une de nos annonces et s'est résolue à nous appeler, car elle avait reconnu de façon formelle les photos de Sheldon que j'avais publiées.
C'est ainsi que j'ai appris que pendant qu'on se demandait s'il n'était pas enfermé chez un voisin, notre Sheldon était déjà mourant.
Je me demande sans arrêt combien d'heures a duré son agonie.
10, 12, 15 ?
Que se passait-il dans sa petite tête pendant qu'il perdait ses forces vitales dans ce jardin inconnu ? A-t-il énormément souffert? Atrocement souffert? Ou seulement modérément?
Avait-il froid, peur? Est-ce qu'il se demandait pourquoi on n'était pas là, pourquoi on ne venait pas le tirer de ce mauvais pas ?
Je suis soulagée que cette dame m'ait téléphone car je sais .
Mais je lui en veux de n'avoir rien fait qu'attendre, même si quelque part je peux comprendre.
il allait soit se remettre et partir, soit mourir, et dans les deux cas elle était libérée du besoin de prendre une décision. Pratique.
Je lui en veux d'avoir mis mon chat dans une poubelle. J'essaie d'imaginer cette idée et je bugge. Je n'y arrive pas.
et pourtant là aussi je comprends. Plus pratique encore une fois.
Et j'en reviens à cette pensée finale : au moins elle m'a appelée. Au moins je sais.
Et au son de sa voix, je pouvais deviner qu'elle se sentait un peu coupable, cette dame.
...
Pour l'instant je ne m'en sors pas.
J'ai littéralement la sensation d'avoir plongé dans une dépression profonde et difficile à comprendre pour mon entourage.
Je pleure tous les jours et son image ne cesse de me hanter.
Je l'entends, je l'imagine, je me réveille la nuit en croyant l'entendre miauler.
J'ai retiré son dodo seulement aujourd'hui de ma chambre, et depuis 2 semaines ma poitrine est serrée dans un étau insupportable.
Je suis enceinte de 8 mois et, alors que ma grossesse était presque idéale depuis le début, j'ai basculé dans un état complètement différent.
C'est encore plus dur pour les gens de comprendre car ils doivent se dire que je ne devrais pas pleurer ainsi pour un chat, alors que je m'apprête à accueillir une merveilleuse petite fille.
Ma tristesse leur semble sans doute incompréhensible, aussi je tente de la cacher.
Je dois gérer le manque, le deuil impossible, la culpabilité, car bien sûr je me sens coupable.
Nous vivons dans un endroit calme, en campagne, où la route est limitée à 30 et où se succèdent grands jardins, granges, cours et prés.
De nombreux chats vivent dans les environs et tous sortent.
C'est l'usage du coin.
Les accident sont plutôt rares et mon Sheldon en avait déjà eu un, en ce novembre 2012 que j'évoquais plus haut.
Je me disais qu'il n'avait vraiment pas eu de chance, et que la probabilité pour que ça lui arrive à nouveau était statistiquement très faible.
Ce en quoi je me trompais.
Mon mari pense malgré tout que les chats sont mieux s'ils peuvent sortir librement en campagne, il ne souhaite pas qu'on confine notre petite survivante à l'intérieur, et moi chaque jour je redoute qu'il lui arrive le pire à elle aussi.
Il aime pourtant les animaux et ne leur veut aucun mal, mais nous semblons sur ce point nous engager sur des avis de plus en plus nettement divergents.
Alors je pense à mon Sheldon sans arrêt.
A la relation incroyable qu'on avait tissée ensemble, lui petit chaton de 3 semaines et 200 grs, biberonné avec amour et élevé tant bien que mal, devenu le chat-chien qui me suivait partout, que j'aille faire une lessive ou donner à manger aux poules...
Qui aimait à dormir sur mon oreiller la nuit, tout contre ma tête, me berçant de ses ronronnements ultra-sonores.
Lui qui réclamait ses friandises préférées d'un air courroucé, ulcéré que je n'obéisse pas plus vite à ses suppliques.
Qui répondait à un sifflotement en venant nous faire un "pousse-tête" vigoureux.
Qui aimait boire de l'eau bien fraîche au robinet, à toute heure du jour ou de la nuit. Et qui nous réveillait parfois pour ça !
Sheldon était un "chat qui parle", incroyablement expressif dans ses miaulements et ses regards.
Il savait aussi adopter la stratégie du silence, nous regardant de ses grands yeux verts quand il voulait obtenir quelque chose.
Il aimait venir s'allonger sur mon bureau quand j'étais devant l'ordinateur, n'hésitant pas au besoin à s'étendre de tout son long sur le clavier s'il estimait qu'il était temps pour moi de changer d'occupation.
Il ne s'entendait finalement pas si mal avec sa petite soeur Arya, daignant même répondre à ses demandes de jeu une fois de temps de temps, et se lançant avec elle dans de folles courses poursuites à travers la maison.
Ce qui ne l'empêchait pas à d'autres moments de la snober superbement, sans que la petite ne s'en formalise d'ailleurs, puisqu'elle revenait inlassablement à l'abordage de ce grand frère un peu ronchon mais finalement bien sympathique.
Sheldon avait eu un moment difficile ce printemps, lorsqu'il avait compris que quelque chose de nouveau se tramait dans la maison, mais à ça aussi il avait fini par s'habituer, venant de plus en plus souvent sur mon ventre pour essayer de comprendre ce qui se passait là-dessous.
Sur la dernière photo que j'ai prise de lui, il est couché moitié sur le bureau, moitié sur moi, semblant faire un câlin à sa future petite humaine à travers peau et vêtements.
J'avais tellement hâte de les présenter ...
Il m'a fallu du temps pour écrire cet hommage.
Je l'ai commencé avant-hier et je n'ai pas pu terminer, une fois de plus terrassée par les larmes et le chagrin.
Je tente de le terminer aujourd'hui, le nez rouge et le bureau encombré de kleenex.
J'ai l'impression de ne pas avancer dans mon deuil, d'avoir toujours le coeur comme une éponge pressée par une poigne impitoyable.
Il est bien trop tôt pour reprendre un chat, aussi notre petite Arya restera-t-elle seule quelques temps.
Elle est en deuil elle aussi, nous le voyons bien.
Elle fera seule la connaissance de ma fille, puis un jour, plus tard, sera à son tour grande soeur chat pour un nouvel arrivant - ou petite soeur à nouveau, qui sait, si notre nouveau chat est un adulte plus âgé qu'elle.
Je fais de mon mieux pour créer avec elle une relation plus étroite, elle qui depuis le début a jeté son dévolu sur mon mari !
Peut-être n'avait-elle pas réussi à se faire sa place entre Sheldon et moi ; il faut dire que ce chat chien, ce gros chachou, avait, lui, jeté son dévolu sur moi .
Un jour j'espère ouvrir notre foyer à un nouveau chat.
Que j'envisage sérieusement de garder à l'intérieur pour ne plus vivre ce drame. Je ne sais pas encore comment gérer ça avec mon conjoint, ni avec la maison ... c'est une réflexion pour plus tard.
Aujourd'hui, je suis juste inconsolable d'avoir perdu mon Sheldon.
Si certains parmi vous ont pu parvenir à lire ce post jusqu'au bout je les en remercie.
Vous me jugerez peut-être sévèrement, pour être responsable de sa mort, et sans doute je le mérite.
Je veux croire en tout cas que tous ici vous comprenez les sentiments qui m'animent et l'intensité de ma douleur.
Au revoir Sheldon et merci pour ces 3 années d'amour infini.
Pardonne-moi de n'avoir pas su te protéger.