Cela faisait déja quelques jours que tu ne voulais plus sortir. Te déplacer était devenu difficile, tu allais juste à ta gamelle, à ta litière, un peu chancelant mais avec la volonté qu'on te connaissait.
Ce jour-là, tu es allé à la porte et tu as demandé à ce qu'on t'ouvre. Tu as demandé à ta manière bien à toi, un miaulement de gros matou autoritaire, en nous regardant droit dans les yeux. Pourtant, tu n'as jamais été ni gros ni autoritaire ...
Je t'ai ouvert, et j'ai été avec toi, étonnée par ce regain d'énergie. C'était un de ces derniers jours d'automne où il ne faisait pas froid.
Tu as accompli ta petite routine de jardin : boire un peu dans le bassin, passer par cette allée, renifler le tronc du saule (mais pas grimper) ... jusqu'à la butte.
La butte, tu l'as toujours aimée, tu l'a vue se monter et tes patrons déplacer des tonnes de terre pendant que tu profitais du champ derrière. La butte te permettait de dominer non seulement le jardin, mais ceux des voisins. C’est un bon endroit aussi pour surveiller, bien planqué sous les buissons, les oiseaux qui cherchent des insectes dans le champ. Un endroit parfait pour un chat.
Tu t'es arrêté pour te reposer, plusieurs fois, mais toujours en regardant partout. Pas effrayé, non. Plutôt du genre à faire un tour d'horizon. Le soleil venait t'éclairer, j'ai fait quelques photos.
Savais-tu ?
On aurait dit que tu voulais contempler une dernière fois l'étendue de ton territoire.
Tu es redescendu de l'autre côté, celui qui donne sur la clôture, ton regard a glissé le long du poteau, ce poteau qui te servait à franchir le grillage pour t'élancer dans les grands espaces. Non, trop haut, pas assez de force, ou autre chose ...
Tu as longuement regardé cette immense prairie et puis tu m'as regardée, a miaulé pour que je te prenne dans les bras. On est rentrés.
Savais-tu ?
Au fond de moi, je me disais que c'était peut-être la dernière fois.
C'était la dernière fois : trois jours plus tard, tu nous quittais. La maladie t'a rattrapé.
Cette butte est la tienne maintenant, c'est là que tu es. Près de toi, une de ces grandes pierres que Marlye aime tant. Si elle veut, elle pourra s'y installer, et encore veiller sur toi.
Mais ton esprit a certainement réussi à grimper sur ce poteau. Il est parti courir dans cette prairie.
![Opus dernière balade .jpg]()
- Opus dernière balade .jpg (203.29 Kio) Vu 723 fois