par Juliette32 » Vendredi 12 Octobre 2012 20:24
J'ai écrit ceci il y a deux semaines environ avec l'idée de le poster sur ce forum, mais j'ai préféré attendre un peu...
Un soir, en rentrant chez nous, mon copain et moi nous entendons de petits cris dans notre jardin. Il faisait déjà nuit, on n’y voyait pas très clair, mais en allant voir on découvre, au pied d’un rosier, deux tout petits chatons en tas, posés l’un sur l’autre. L’un était noir et blanc, l’autre, sombre, sans qu’on voit trop la couleur. En écoutant un peu mieux, on se rend compte qu’il y a aussi d’autre cris, plus faibles, qui viennent d’un autre coin du jardin. Comme on avait peur de marcher sur ce chaton-là, on n’est pas allés voir, mais on savait donc qu’il y avait au moins un troisième chaton.
On rentre dans la maison, et moi, paniquée, je commence à me demander s’il faut faire quelque chose. On ne savait pas trop quel âge ils avaient, ni s’ils étaient en danger. La grosse question était : est-ce qu’il faut intervenir, ou pas ? Sachant que les chatons étaient posés à un endroit pas du tout abrité, en plein milieu de nulle part (donc pas du tout dans un « nid »). J’ai appelé des urgences vétérinaires pour leur demander conseil. J’ai décrit la situation, et l’on m’a dit : « Ne touchez à rien, car si vous touchez les chatons, la mère n’en voudra plus. Attendez au moins jusqu’à demain matin, car peut-être que la mère était en train de les déplacer, qu’elle a été dérangée, et qu’elle reviendra les prendre plus tard. Peut-être aussi qu’elle va venir les allaiter tout en les laissant là. Vous savez, les chattes font des choses bizarres parfois… »
Bon. Alors on attend. Toute la nuit, je les entends crier, crier, crier. Mon cœur se fend, je me dis qu’il vont mourir là, chez nous, qu’il fait froid, qu’ils ont faim, qu’on devrait faire quelque chose. Mais en même temps, bien sûr, je me dis que s’il y a une petite chance pour que leur mère revienne, il ne faut surtout pas la compromettre, car c’est elle qui pourra les nourrir et en prendre soin au mieux.
Le lendemain matin, je vais voir ce qu’il en est. Le petit chaton qu’on n’était pas allés voir, tout au fond du jardin, est couché sur le côté, ne bouge pas du tout. Il a l’air comme aplati. Je ne le touche pas, mais pour moi il ne fait pas de doute qu’il est mort. Je vais aussi voir là où il y avait deux chatons : eh bien à cet endroit, il n’y en a plus qu’un, bien vivant quant à lui. Je continue d’explorer mon jardin et je finis par découvrir une chatte sauvage que je connais de vue, sous un abri, avec un chaton noir et blanc. Donc en résumé, sur ses trois chatons, la mère en a récupéré un pendant la nuit, elle en a laissé un autre au milieu des ronces et le troisième est mort.
Je téléphone à mon vétérinaire habituel, lui décrit la situation. L’assistante me dit d’attendre jusqu’au soir et d’aviser à ce moment-là. Elle insiste le fait que nourrir un chaton au biberon c’est énormément de travail, de mon côté je ne me pose pas trop de questions, j’ai juste en tête que je ne veux pas qu’un autre chaton meurt chez moi alors que je pourrais peut-être le sauver.
Le soir, je rentre, la situation est la même, les deux chatons sont exactement au même endroit. Sauf que, bonne surprise, je découvre que le petit gris que je croyais mort est en fait vivant. Je repère la mère, elle a changé de cachette. Elle est toujours avec son chaton noir et blanc. Je remarque des mouches, nombreuses, qui sont posées sur les deux chatons « abandonnés ». Ce n’est pas très engageant. Je ne comprends pas pourquoi la mère ne prend pas ces deux chatons-là, mon jardin est calme, je ne peux pas croire que durant toute la journée elle n’ait pas eu l’occasion de les ramener auprès d’elle. Son comportement est un mystère. Je rappelle le vétérinaire, l’assistante me dit que la mère a dû rejeter les deux qui restent, pour une raison qu’on ne connaîtra sans doute jamais. Elle me conseille de prendre les deux petits qui sont seuls, à condition bien sûr de pouvoir m’en occuper.
Là commence la course. On fonce chez le véto pour le lait, on fonce au supermarché pour acheter une bouillote, on confectionne à toute vitesse un carton et on prend les deux petits, tout cela en imprimant toute la documentation qu’on a pu trouver sur internet sur le thème « chatons orphelins ». En récupérant les chatons, on se rend compte que l’un des deux est complètement coincé dans des branchages, c’est comme un piège qui l’enserre. Avec mon copain, on met une bonne demi-heure à le libérer en coupant les branchages petits bouts par petits bouts, au sécateur. Le chaton est blessé à la patte à cause de ces branchages, mais ça n’a pas l’air trop profond. On installe les chatons dans le carton, ils piaillent, ont l’air plutôt en forme. On réalise qu’ils sont vraiment tout petits, les yeux fermés, des petites crevettes, âgés de 1 jour ou 2 maximum.
Là commence l’angoisse du biberon. On lit la notice, on le prépare, on essaie de leur donner, mais ça ne marche pas. On a très très peur de les étouffer, vu qu’on a lu partout qu’il y avait un gros risque de fausse route. Du coup on n’ose pas mettre le biberon au fond de leur bouche, on est maladroits, on a peur de mal faire, d’avoir fait un trou trop gros ou pas assez gros sur la tétine. Les chatons s’agitent, ça dure longtemps, on a peur de les épuiser et de faire plus de mal que de bien. Et puis, enfin, miracle : ils boivent. Deux heures plus tard rebelote, biberon, encore une fois on a du mal, mais ça marche à peu près.
Le lendemain, ils ont l’air moins en forme que la veille. C’est une écrasante responsabilité. On a terriblement peur qu’ils meurent, on sait que leurs chances de survie sont minimes. On enchaîne les biberons, les massages pour les selles et l’urine, on les nettoie, on les regarde… L’un, qui est tout gris, dort tout le temps et fait très petite crevette, éternue et a le nez qui coule ; l’autre, qui est gris et blanc, a l’air plus en forme, il est plus vif. On les pèse, ils font 100 grammes le lendemain de « l’adoption », puis 105 et 106 grammes le surlendemain. On se dit que ça va aller.
Mais on a toujours des problèmes avec le biberon. Le trou peut-être n’est pas assez grand, ou on le tient mal… en tout cas, ce n’est jamais simple. Le tout-gris mange bien, il a chopé le truc (et nous aussi) mais avec l’autre c’est plus long, plus compliqué. Le soir du deuxième jour, le gris et blanc ne mange rien. Il tète le biberon mais ensuite quand on regarde on voit qu’il n’a en fait rien mangé. C’est désespérant de voir ce niveau de lait qui ne baisse pas dans le biberon alors qu’on avait cru que c’était bon, qu’il buvait. Le lendemain, blanc-gris a maigri (98 grammes) et semble tout faible. L’autre en revanche, celui qui faisait crevette et éternuait, est visiblement en forme. On décide de prendre rendez-vous chez le vétérinaire pour celui qui ne mange pas, un vétérinaire qui n’est pas notre vétérinaire habituel (un peu loin) mais un autre, plus près, accessible à pied pour moi qui vais y aller toute seule et sans voiture.
Le rendez-vous est prévu pour l’après-midi, en attendant je cours acheter une seringue. Je me dis que blanc-gris doit manger, même quelques gouttes, qu’il va mourir s’il n’a pas au moins un tout petit peu de lait dans l’estomac. Avec la seringue, j’ai encore plus peur de l’étouffer, j’y vais tout doucement, goutte par goutte, ensuite parfois je retente le biberon, il mange un tout petit peu, 1-2 ml par tétée. Je sais que ce n’est pas assez, c’est insuffisant pour qu’il grandisse. C’est juste de la survie.
Chez le vétérinaire. Dans la salle d’attente avec mon carton dans lequel sont deux petits êtres tellement fragiles, j’écoute la musique d’ambiance et ça me fait pleurer. Je n’ai quasi pas dormi depuis qu’on a les petits chats, suis à fleur de peau, et cette musique débile me déprime, j’ai l’impression que c’est une musique d’enterrement. J’ai si peur pour les chatons, en trois jours je me suis énormément attachée, surtout, je me sens responsable de leur vie. Le véto me dit que les deux ont le coryza, mais que le gris et blanc (mâle) est plus affecté, tandis que le tout-gris (femelle) s’en tire plutôt bien. Il me dit que le gris et blanc ne veut pas manger car il a de la fièvre (40°) et est KO, mais que dès que la fièvre redescendra il mangera sûrement. Il me donne des antibiotiques pour les deux (pour les surinfections – vu que le coryza, c’est viral, donc on ne peut rien contre), me dit de continuer à nourrir le petit gris et blanc, y compris de force. Quand je dis : j’ai si peur de l’étouffer, il répond : vous savez, au point où il en est, vous pouvez prendre le risque. Il précise : le gris et blanc peut aussi bien décéder d’ici quelques heures vous savez. Et ajoute : la femelle peut aussi s’affaiblir et mourir dans trois jours. Super.
S’ensuivent deux jours où l’on assiste à une évolution radicalement différente des deux chatons. La toute-grise prend du poids chaque jour, et chaque jour boit son biberon avec plus d’enthousiasme. Elle n’a plus le nez qui coule, éternue un peu, mais a globalement un comportement de chaton en bonne santé : crie quand elle a faim, fait pipi-caca après manger, dort le reste du temps. Elle grossit à vue d’œil, change, est vive. La petite crevette que j’avais cru morte dans le jardin devient un petit poussin dodu. L’autre, le petit mâle, a un état stationnaire. Amorphe, fiévreux, sans appétit la plupart du temps, avec parfois des regains d’énergie. On arrive à lui faire manger des mini quantités. Il urine beaucoup, du très jaune. Je l’interprète comme un signe de déshydratation. Il perd 1-2 grammes chaque jour. Pas très rassurant. Pas du tout, même. On se relaie avec mon copain, heureusement nos emplois du temps nous permettent de faire en sorte qu’il y ait toujours quelqu’un à la maison. On est morts d’angoisse pour le petit mâle, on y pense tout le temps. Je n’arrive pas à travailler normalement, je voudrais prendre un « congé chaton » si ça existait…
À l’issue de ces deux jours, mon copain rappelle le vétérinaire, pour savoir quoi faire, parce que c’est toujours pareil, le blanc et gris est faible, il ne grossit pas, mange à peine. De plus, dans ces conditions, impossible de lui faire prendre ses antibios en quantité suffisante (pilules à écraser et à diluer dans le lait). Le vétérinaire propose une « hospitalisation » de jour. Ca veut dire : on dépose le chaton le matin, on le récupère le soir. Sur place, il est mis dans une cage avec tapis chauffant et lampe infrarouge, ils le nourrissent, lui font des piqures d’antibios et de réhydratation. On dit d’accord, et c’est comme un nouvel espoir, on se dit qu’il va être pris en charge, que tout ira mieux.
Le lendemain, au moment de le déposer, on réalise qu’on avait mal compris le déroulement de l’hospitalisation. On croyait qu’ils allaient le nourrir à la sonde, ce qui nous rassurait énormément. On se disait : il va enfin manger, reprendre des forces, être capable de lutter contre la maladie. En fait, non : ils le nourrissent aussi au biberon, comme nous. Effondrement : alors ça ne changera peut-être rien.
Trois jours d’hospitalisation. Chaque soir, on le récupère un peu en meilleure forme. Il prend un tout petit peu de poids… mais c’est si faible (2-3 g / jour) que ça peut aussi bien être dû aux piqures. Néanmoins le petit a l’air plus vif. Le troisième jour d’hospitalisation est un samedi, on le récupère le soir sur un bilan positif, le véto dit qu’il va mieux, mange mieux, reprend du poil de la bête. Comme le dimanche la clinique est fermée, il est prévu qu’on fasse le point lundi matin. Du coup, il nous rend notre « matériel » : lait en poudre et biberon avec du lait dedans. Concernant le lait, on lui demande : au fait, il faut le refaire à chaque fois ou ça se conserve ? Nous, on le refait à chaque fois, on jette ce qui reste, on stérilise tout, bref c’est assez lourd mais on ne veut prendre aucun risque. Le véto nous dit, ah non c’est pas nécessaire vous vous embêtez pour rien, nous on laisse le biberon sur le tapis chauffant toute la journée, comme ça il est toujours tiède et quand on passe devant on lui en donne un peu, et là vous pouvez bien sûr encore utiliser ce biberon pour la prochaine tétée. On se dit ah ben c’est chouette, ça va un peu alléger la charge de travail. Quelque part dans un coin de ma tête je trouve ça bizarre mais bon, c’est le vétérinaire qui le dit, c’est lui le spécialiste pas moi.
On rentre avec le chaton. Il est en effet plus en forme. On donne le biberon aux deux. Le petit mâle est plutôt vif, tète vigoureusement le biberon qu’on avait ramené de chez le véto, qui en plus fait plus « professionnel » (marque RC pour ceux qui voient) que ceux qu’on avait avant. Mais là encore, horrible déception : quand je vérifie le niveau de lait, ça n’a pas bougé. Il tète encore dans le vide. Ca me désespère, mais pas trop, je me dis bon, il va mieux, c’est pas grave, il faut juste réessayer. Comme le temps a passé, je mets un peu de lait sur ma main pour voir s’il est encore assez chaud et là je trouve qu’il a une odeur bizarre. Une odeur de lait qui a tourné. Je goûte, renifle, pas de doute possible : odeur de lait pourri. Je jette, refais un biberon, il mange un peu.
On en parle avec mon copain. On se dit quand même, c’est bizarre cette histoire de lait maintenu sur le tapis chauffant toute la journée. Et c’est sûr, ce lait avait tourné. Odeur typique, aucun doute à avoir. Bon. On essaie de se dire que ce n’est pas trop grave. On sort vite fait pour aller manger dehors, histoire de souffler un peu. Toute cette histoire est un gros stress pour tous les deux, ceux qui ont déjà pris soin de chatons nouveaux-nés comprendront de quoi je parle.
Au retour du dîner, nouveau biberon. Et là, le petit mâle est de nouveau très faible. Grosse dégradation de son état. Il est comme en début de semaine, quand j’essayais de le nourrir à la seringue et que j’avais à chaque seconde la sensation qu’il allait mourir entre mes mains. En une heure environ, on arrive à lui faire manger 2 ml. Sensation de retour à la case départ. Désespoir.
Plus tard encore, un nouveau biberon. La toute-grise mange bien, elle est tellement dodue, elle a tellement grandi. Son frère à côté à l’air rachitique. Il n’a pas grandi depuis qu’on l’a, alors qu’elle fait presque 200 grammes. Ça fait mal au cœur de les voir côte à côte, cette différence entre une évolution normale et un chaton malade est tellement flagrante. Lors de la dernière tétée de nuit, le petit mâle ne veut presque rien manger. Il a de nouveau des urines abondantes et très jaunes. Il est très faible, très chaud. Sûrement la fièvre. Je lui parle longuement, je lui raconte la belle vie de chat qu’il aura quand il sera grand, lui parle des hautes herbes dans lesquelles il pourra gambader, des câlins que ses futurs maîtres lui feront, tout en essayant de le faire manger. Je sais qu’il ne m’entend pas, il est encore sourd, mais peu m’importe, je veux essayer de lui transmettre toute l’énergie que j’ai, je veux lui donner la force de vivre. Le biberon, c’est quasiment du goutte à goutte, j’en suis au point où je me dis que c’est complètement contre-productif, que je l’épuise à vouloir le faire manger, je gaspille ses forces. J’ai l’impression de le torturer, il veut juste dormir, et moi je lui mets cette tétine dans la bouche, essaie de lui faire sentir le lait. Parfois il se réveille un peu et tète vaguement mais dans l’ensemble c’est vraiment insuffisant. Cependant j’ai la conviction qu’il doit manger, que sinon il va mourir, et le véto aussi avait dit que c’était le plus important, qu’il mange. À un moment, il met ses pattes dans une position inhabituelle, repliées autour de sa tête, tout en se mettant sur le côté. Ça me fait peur, ça m’évoque la position que certains animaux prennent pour mourir. Et puis il est tellement maigre, on sent ses côtes. Tellement maigre et petit. Il est rikiki, j’ai l’impression qu’il a rétréci depuis qu’on l’a. Je le repose, bien au chaud dans le carton. Je reviens le voir un peu plus tard, je vois qu’il a changé de place, ça me rassure, je me dis qu’il sait encore choisir son emplacement pour dormir, ça veut dire qu’il va bien.
Il est 6 heures du matin. Je vais me coucher. En général avec mon copain on se laisse des mots pour que celui qui prend le relai sache comment s’est passé le biberon précédent, mais là je décide de ne rien écrire, pour ne pas l’inquiéter, ou par superstition. Après tout, ce petit chat, malade, a déjà tenu une semaine, il a toujours eu des hauts et des bas, là c’était un bas, mais tout ira bien demain matin.
Je me lève vers midi. Vais voir mon copain qui me prend dans ses bras. Me dit. Il est mort. On a pleuré tous les deux, tellement pleuré ce jour-là. Mon copain l’avait mis dans une petite boîte en métal, avec un tissu tout doux de couleur violette. On a mis son biberon aussi et ses antibiotiques dans la boîte. Même comme ça il était si joli, mais si petit, si petit. On l’a enterré dans le jardin, au pied du rosier, là où on l’avait trouvé, enserré dans ses branchages. On avait conscience que vu de l’extérieur on devait être ridicules, deux grands adultes en train de pleurer à chaudes larmes sur la tombe d’un tout petit chat qu’on a connu pendant 8 jours. Un tout petit chat qu’on n’a pas réussi à sauver.
Bien sûr restent les questions. Pourquoi cet affaiblissement chez lui, d’une manière générale ? Est-ce que c’était un problème de tétine, de biberon pas adapté pour lui ? Est-ce que tout simplement il n’était pas « viable », que son destin était de mourir ? Est-ce que c’est le lait pourri du vétérinaire qui l’a achevé ? Est-ce que chez un autre vétérinaire, il aurait pu être nourri par sonde et peut-être sauvé ? On ne saura jamais. Mais quelle infinie tristesse. Sensation de l’avoir tué, il est mort chez nous, sous notre responsabilité.
Le lundi, le vétérinaire me téléphone pour prendre des nouvelles. Je lui explique que le petit mâle est mort, il est désolé pour nous « après tout ce qu’on a fait pour lui » et là, je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression d’entendre « après tout le fric que vous avez dépensé chez moi ». Mais c’est juste que la tristesse me rend aigrie, je n’ai aucune raison de penser que dans son esprit ce petit chat était plus une source de revenus qu’autre chose. Je lui parle du lait, très gentiment. Je ne l’accuse de rien, lui dis simplement : bon voilà, juste pour information, le lait du biberon que vous m’avez donné, il avait tourné, je vous le dis juste au cas où ça vous serve pour le futur. Il me dit : mais vous savez le lait pour chat ça n’a pas le même goût que le lait pour humains. Je dis oui bien sûr mais vous savez à force je connais plutôt bien le goût du lait pour chatons, je le goûte à chaque biberon. Et il me répond, normalement il n’y a pas de problèmes, on refait un biberon chaque jour. Là j’ai quand même tiqué : sous entendu, garder le même biberon plusieurs jours de suite, c’était une hypothèse envisageable ? En même temps, il est mort, qu’est-ce que ça change.
Depuis la vie continue avec la toute-grise, qui a maintenant 3 semaines. Elle grandit, change, est plus belle chaque jour, nous regarde avec ses grands yeux bleus et fait toutes sortes de jeux très mignons avec ses pattes. Elle est la preuve vivante du fait qu’on n’a pas complètement foiré notre rôle de maman-chat de susbstitution, mais pour autant je n’oublierai jamais le petit gris et blanc. J’essaie de me dire que le miracle est plutôt du côté de la toute-grise, que les deux avaient peu de chances de rester en vie et que c’est plutôt sa survie à elle qui est « anormale » et non pas la mort de l’autre. Mais mon cœur est encore lourd, tous les jours je pense à l’autre tout petit chat qui repose au pied du rosier.
Et puis même pour celle qui reste, grandir seule, sans frères et sœurs, réduit ses chances de devenir « normale » sur le plan comportemental, je le sais. À deux ils auraient été mieux, auraient pu jouer ensemble, se lécher, etc. Il va de soi que j’ai horriblement peur qu’elle meurt aussi, c’est encore un si petit être, si fragile, et je sais qu’elle est porteuse du coryza. Mais elle a l’air solide quand même.
Je sais que toute cette histoire paraîtra étrange à beaucoup de monde mais j’ai pensé qu’ici certains pourraient comprendre. Je voulais partager ce grand chagrin et aussi cette grande joie que nous ont causés ces deux petits chats.