par Jeannine » Samedi 09 Novembre 2013 14:45
Bonjour Marie,
J’apprécie que tu veuilles bien revenir vers moi afin que je puisse éclaircir ce malentendu… et je t’en remercie beaucoup. Cette situation m’était pénible… tout comme à toi je pense ! Je n’aime pas froisser les gens, je suis de nature plutôt courtoise… et patiente !
Voilà donc la phrase que j’ai écrite à Ceress et qui t’a choquée :
« Je te conseillerais de régler tes problèmes familiaux avant d'entreprendre ces nouvelles démarches. La situation de ton père ne va peut-être pas s'arranger et tu seras vite débordée si tu es seule à t'en occuper. »
Et voilà maintenant ton explication :
« Voilà la petite phrase "assassine" . J'estime que l'on peut gérer plusieurs évènements (problèmes ou autres ...) à la fois . Malgré mon lourd handicap j'ai toujours fait front malgré mes moments difficiles . Si je n'avais pas mes chats je ne marcherais plus depuis longtemps . Ce sont eux mes moteurs . Je leur doit tellement »
Alors Marie, je vais essayer de t’expliquer :
Si j’ai bien compris ta réponse, citée plus haut, l’objet en est bien le handicap, n’est-ce pas ? Tu es une personne lourdement handicapée, qui est restée seule, et qui assume la vie de tous les jours grâce à la présence de tes chats. Ai-je bien compris ?
En partant sur ces bases, j’en déduis Marie, qu’à 56 ans, tu as un vécu d’adulte derrière toi… une certaine expérience de la vie, une certaine sagesse... et de l'organisation. Malgré ton lourd handicap, et l’abandon de ton compagnon, avec beaucoup de courage tu as su te prendre en main pour assumer une grave situation… bravo ! Tu aurais pu devenir dépressive, te laisser aller… te laisser couler… mais, non… tu as redressé la tête et tu t’es battue, et tu continues toujours à te battre contre ce handicap qui te bouffe ton énergie. Sincèrement, je t’admire ! Il faut en vouloir pour savoir résister dans un cas pareil… même si tes chats t’y ont aidé, et je peux le comprendre ! Pour eux, pour pouvoir continuer à les avoir auprès de toi, tu as fait et continue à faire ces efforts malgré ton corps défaillant. Oui, je comprends… ils sont devenus le moteur de ta vie de tous les jours. Tu as beaucoup de mérite… une sacrée personnalité de battante !
Hélas, Marie, tout le monde ne réagit pas ainsi… nous sommes tous différents devant l’adversité, devant la maladie. Pour avoir travaillé comme cadre hospitalier, j’ai rencontré bien des personnes avec des degrés de handicap divers. Chacun réagit à sa façon ! Parfois, des personnes ne supportent même pas un léger handicap et estiment que leur vie est fichue. D’autres plus lourdement atteintes se battent… parfois ça marche… et parfois pas du tout… et il y a ceux qui réussissent à mener une vie adaptée à leur handicap… avec des hauts et des bas ! La nature humaine est ainsi faite ! C’est la réalité !
J’aurais pu citer le cas de l’un des membres de ma famille qui n’accepte pas son lourd handicap et qui fait des tentatives de suicide… une fuite en avant… que je peux comprendre. Il ne peut faire que quelques pas et ça peut lui prendre 15 mn pour seulement traverser une petite pièce… avec des chutes à répétition, les fractures qui en découlent ! Ses mains et ses genoux tremblent… il n’arrive pas toujours à maîtriser ses gestes… ne serait-ce que pour boire un simple verre d’eau. Il veut en finir ! A sa sortie de l’hôpital, les médecins recommandent un placement en institution pour un accompagnement de tous les instants… car il risque de passer à l’acte de façon définitive. Tout comme le personnel soignant de l’hôpital, j’ai essayé de le motiver… il essaie et très vite y renonce.
Les parents de mon époux étaient cloués tous les deux sur leur lit médicalisé au sein de notre foyer. Pendant 6 et 8 ans j’ai géré la situation alors que mon époux assumait financièrement la charge familiale. C’est pour ma belle-mère que nous avions accueilli Lulu notre chat blanc, sourd de naissance et malade pendant 15 ans (une rente pour un véto). Elle adorait les chats, et j’ai cru que grâce à Lulu, elle reprendrait goût à la vie. Le destin en a décidé autrement, n’ayant plus toute sa tête la plupart du temps, elle battait le chat quand il s’approchait d’elle sur son lit… un chat pot de colle adorable ! Pendant ses courts moments de lucidité, ma belle-mère voulait se suicider. Mon beau-père ne supportait plus de voir son épouse ainsi… parfois, il sombrait à son tour dans la déprime… il est décédé à 99 ans !
J’ai été au contact de jeunes enfants handicapés, gravement malades… qui donnaient de véritables leçons de courage aux adultes présents !
J’ai vu de jeunes adultes renoncer à se battre.
Et que dire de la famille, de l’entourage… bien souvent, c’est l’éclatement de la cellule familiale. Le conjoint démissionne, part… On peut assister à des déchirements épouvantables à tous âges. Des enfants laissent tomber leur parent handicapé… au bon soin de la société dans le meilleur des cas. J’ai pu assister à des cas dramatiques de parents qui renoncent à visiter leur enfant, leur adolescent… devenu une entrave à leur petit confort ! D’autres qui refusaient d’en parler car le jeune handicapé faisait honte à la famille… mieux valait le cacher en institution loin de tous… !
C’est une réalité qu’il ne faut pas se cacher… tous ces cas existent… il suffit d’être un peu curieux... !
Personne ne sait comment il réagirait devant un handicap… il faut le vivre ! Mais, malheureusement il y a beaucoup d’échecs, beaucoup de souffrances !
Dans le cas de Ceress, enfin de son père, jusqu’à ce que Ceress en parle, nous ne savions pas à quel point il pouvait être handicapé. J’ai donc parlé d’une manière générale, à partir de mon expérience personnelle… de mon vécu !
Des jeunes qui s’occupent de leur parent handicapé… ça ne court pas les rues… mais ça existe heureusement ! Dans bien des cas, le jeune adulte sans expérience fait ce qu’il peut, entre ses études et par la suite sa vie professionnelle. D’autres sacrifient leur jeunesse qui aurait pu être insouciante… et même leur vie de famille… certains deviennent aigris. Les difficultés qu’ils rencontrent les transforment… certains en veulent à la terre entière… pour eux, ils considèrent que ce n’est pas juste ! De l’aide… c’est parfois difficile de leur en apporter ! Certains se sentent blessés que l’on puisse douter de leur capacité à prendre soin de leur parent. Et puis, bien sûr, c’est vrai, il y a des personnes malades qui deviennent exigeantes envers leur entourage… on le constate hélas… mais qu’y faire, c’est humain !
Le père de Céress est handicapé… mais apparemment n’est pas dans ton état Marie, il peut encore se déplacer, même si c’est difficile pour lui de porter de lourdes charges. Preuve en est qu’il peut rester seul 4 jours sans sa fille. Il peut donc se gérer pendant ces 4 jours d’absence. Mais, on ne sait pas ce que va devenir son handicap dans les mois et années à venir… il peut s’aggraver. Qu’adviendra-t-il si la charge devient plus lourde pour sa fille, si la résistance de son père se dégrade ? Son père s’appuie peut-être un peu trop sur sa fille… je ne sais pas… on ne sait pas ! Entre eux, il y a un arrangement qui leur convient… elle habite chez son père et lui a la compagnie et l’aide de sa fille. Peut-être que s’il était seul comme toi , Marie, peut-être qu’il arriverait à s’assumer sans l’aide de sa fille ! C’est une chose que l’on ignore mais qui j’en conviens est tout à fait possible… ce que tu fais… il peut aussi le faire… peut-être… peut-être !!! Une femme est peut-être aussi plus résistante qu’un homme devant la maladie… elle s’écoute moins qu’un homme qui parfois se montre plus douillé ! Oh ! Là… là… j’espère que Daeri et Chef Hervé ne m’en voudront pas ! La maternité chez la femme y est aussi pour quelque chose… là, les hommes ne pourront rien dire… ouf ! Tout cela pour dire que ce que tu fais toi Marie à ton niveau, peut-être que le père de Céress ne peut pas le faire pour différentes raisons que l’on ignore. Dans ce cas, prudence, il peut devenir dangereux de charger la barque… avec une possibilité de rompre un équilibre certes précaire mais qui a le mérite d’exister même s’il n’est pas parfait. Cette jeune fille me fait penser à un jeune chat « écorché » par la vie… une vie pas facile puisqu’elle a déjà vécu « des choses pires » comme elle dit. Rajouter la responsabilité et les frais d’un autre chat vont peut-être faire déborder la coupe… elle est jeune, un peu étourdie (nous l'étions aussi à son âge !)... et dépendante de son père… bien jeune pour avoir le recul indispensable, même si les aléas de la vie l’ont déjà marqué… d’après ce qu’elle nous en dit !
Attention, je ne m’immisce pas dans leur vie privée, c’est juste que j’ai pris cet exemple pour régler le contentieux entre nous Marie ! Il me fallait bien expliquer ma position !
Maintenant Marie, si je n’ai pas su m’exprimer pour te faire comprendre ce que j’avais voulu dire et qui pour moi n’a rien de choquant… mais qui toi t’a choqué… je te présente mes excuses. C’était tout à fait involontaire de ma part et peut-être que toi alors tu pourras éclairer ma lanterne ! Je suis à ton écoute !
Amitiés… Jeannine !