par Migisa » Mercredi 31 Août 2011 9:49
L'été touche à sa fin, et ici comme ailleurs, j'écris cette histoire vraie qui a marqué profondément notre relation avec Parnelle...
C'était en l'an 2000, celà me semble si loin et si proche en même temps. Mon épouse et moi-même partions pour les Shetland, nos dernières vraies vacances, au début du mois de Juillet.
Parnelle faisait partie de la famille depuis plus de quatre ans et nous y étions déjà très attachés.
A l'âge de treize mois, elle avait eu un accident terrible: éclatement d'un poumon. Notre amour -je me levais la nuit pour lui donner ses médicaments écrasés dans du yaourt- et un vétérinaire formidable l'avaient arrachée à un destin fatal. Les épreuves, ça rapproche les êtres et depuis ce tragique épisode, Parnelle était devenue on ne peut plus proche de nous.
Mais voilà, l'envie de faire encore un beau voyage était très forte, ma femme et moi avions écumé les Iles Britanniques pendant des années avant d'avoir Parnelle, et après quatre ans à nous occuper d'elle, nous nous disions qu'elle pouvait bien nous accorder un petit break.
Non sans angoisse et remords, nous l'avons confiée à une garderie pour deux semaines. Grande cage individuelle spacieuse, coussin, eau minérale, croquettes, pâtée maison, du trois étoiles, du moins c'est ce qu'on croyait.
Nous avions visité la garderie quelques mois auparavant: petite entreprise familiale, la patronne très gentille avait bonne presse auprès de la SPA locale...
Nous y avons amené Parnelle, un 11 juillet, la veille de notre départ. Une jeune employée sympa nous a accueilli et a placé Parnelle dans sa grande cage. Je me souviens encore de ses yeux quand elle nous a vu nous éloigner. Ca allait me hanter pendant des semaines, ses yeux disaient: "ne m'abandonnez pas, ne me laissez pas ici, je ne vous reverrai jamais..." . On a été à deux doigts d'annuler.
Après une semaine passée au Shetland, n'y tenant plus, on a appelé la garderie: tout allait bien, elle mangeait bien et était très gentille... menteurs !!
Retour de vacances. Nous sommes allés la chercher et là... tout le personnel, dont un type avec une tronche d'abruti, qu'on n'avait jamais vu nous annonce que Parnelle leur avait échappé lors d'un "transfert de cage".
Ce qu'on ne savait pas avant de partir, c'est que la dame qu'on connaissait avait quitté les lieux (divorce) et que son ex, un escroc et un voyou avait pris la suite !!! Cette crapule avait même tué les chats de son ex-femme pour se venger et tout ce qu'on a appris par la suite nous a plongé dans l'effroi et l'angoisse.
Nous étions anéantis et bouffés par le remords. Nous revoyions le regard de Parnelle le jour où nous l'avions abandonnée !! Nous avons su la vérité assez vite: il avait voulu transférer la puce d'une cage individuelle (tarif élevé) au parc collectif (plus bas de gamme) et faisait ça avec plein d'animaux pour faire payer plein pot à plusieurs clients un service qu'il n'offrait pas. Parnelle s'était échappée lors du transfert, fait dès le jour même de notre départ, et elle était donc perdue quelque part dans une commune de 10000 habitants comprenant de nombreux bois, des carrières désaffectées, une rivière, des marécages, et très étendue car c'était le regroupement de plusieurs vieux villages.
Nous avons fait imprimer 1800 tracts noir et blanc, deux cents affichettes couleur, publié des annonces dans la presse locale, contacté tous les vétérinaires des communes voisines, les mairies, les gardes-champêtres, la police, tout ce qui était possible et nous avons commencé à la chercher. De nuit, de jour, à l'aube, au crépuscule. Il y avait quinze bons kilomètres entre notre maison et cette ville et entre les deux, des tas de routes et une autoroute, nous vivions dans l'angoisse à chaque trajet aller ou retour, à la pensée de la retrouver écrasée quelque part.
Chaque sortie était pleine d'espoir, des gens nous téléphonaient croyant l'avoir vue, nous avons rencontré de nombreux amis des bêtes qui nous invitaient pour prendre un café. Une dame se souvenait d'un petit chat roux et blanc qui avait miaulé longtemps dans son jardin le soir du 13 juillet. Des gens laissaient des croquettes dehors, une jeune fille nous proposa d'enregistrer nos voix sur cassette pour diffuser nos appels dans les bois près de chez elle.
Nous avons fait des dizaines de kilomètres à pied, longé la rivière peut-être cent fois, parcouru toutes les ruelles et visité toutes les maisons abandonnées. Chaque fois nous rentrions bredouille, défaits et desespérés. Nous avions rencontré des dizaines de chats, beaucoup de chats errants en quête de maîtres mais pas notre Parnelle.
Le plus dur, c'était d'ouvrir le portail gris qui menait au jardin et de ne pas la voir dans les phares de notre voiture, à nous attendre devant la porte, comme elle le faisait quand parfois nous sortions au restaurant ou allions chez des amis.
5 longues semaines de vaines recherches et Parnelle avait en outre passé deux semaines seule pendant que nous étions à l'étranger. La reprise du travail approchait, nous allions avoir moins de temps pour poursuivre les recherches, nous étions au fond du gouffre...
La veille de la rentrée pour mon épouse, coup de téléphone du Couvent des Carmèlites à S., au bord de la rivière. "Il y a un chat pas très grand qui vient souvent près du réfectoire pour se nourrir des restes, il ressemble au vôtre, on a vu vos affiches...". Départ. Ma femme y croit, moi j'ai perdu tout espoir depuis quelques jours déjà.
Les Soeurs nous conduisent au bâtiment et nous ouvrent une fenêtre: "c'est là, disent-elles, le chat est souvent dans ce petit fourré et il attend que ce soit calme pour se glisser ici...". J'enjambe et me retrouve dehors, j'entrevois une silhouette féline et je dis "il y a un chat, je descends pour voir"...
et c'était elle, c'était ELLE! Sans hurler, je dis "c'est Parnelle". Je me suis accroupi pour ne pas l'affoler. Elle était assise et me regardait. Ca a duré une bonne minute puis deux petits miaous brefs et elle est venue vers moi en trottinant.
Je l'ai vite attrapée, je suis repassé par la fenêtre et l'ai vite poussée dans sa caisse que ma femme avait ouverte. Nous étions en larmes, pour la première fois de ma vie, j'ai embrassé une bonne soeur. Ma pauvre nounou était toute triste, ses belles moustaches étaient toutes molles, comme en berne, ses yeux avaient comme jauni ! La Soeur lui donna un peu de lait qu'elle déglutit comme une goinfre.
Nous l'avons ramenée à la maison. Elle a dormi pratiquement non stop pendant trois jours, ne se levant que pour faire des bouses monumentales et malodorantes. A la visite chez le véto, il n'en revenait pas: mis à part quelques traces de griffures, de bagarre sur les pattes avant, RIEN. Pas de blessures, pas de tiques, poids normal. Elle avait dû rapidement trouvé ce coin, à 500 mètres de la garderie: pas de chiens, pas de voitures, pas de bruit et les restes tous les soirs. Elle avait attendu, dans l'espoir peut-être qu'on revienne la chercher !!!
Ce fut un jour merveilleux. Parnelle se rapprocha encore plus de nous. Par la suite, ses sorties furent moins fréquentes, moins longues et assez rarement au-delà des limites de son jardin. Quant à nous? Fini les garderies, nos vacances allaient s'appeler Parnelle et nous ne l'avons jamais regretté.
Nous sommes en 2011, nous l'avons perdue à nouveau un début de Juillet et là alors que l'échéance est passée, il n'y a pas eu de miracle, pas de rédemption, pas de retrouvailles pleines de larmes de joie mais le néant, le désespoir car la vieillesse et la maladie l'ont emportée et nous ne la reverrons plus jamais.
Je t'aime, on t'aime, notre bébé-mamie-minou, Parnelle ma toute belle....
Parnelle, ma princesse aux yeux verts. Je t'ai tant aimée, je t'aimerai toujours.
Réglisse, mon adorable petit criquet, je t'aime à tout jamais...